15 avr. 2008

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LES DEUX FLEAUX
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Les Anglais en Chine.
Le choléra en Palestine.
(Faits divers
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Les Anglais sévissent en Chine.
Le choléra en Palestine.
Lequel est préférable, ô dieux !
Sur quel pays croyez-vous faire
Choir de votre droite sévère
Le fléau le plus odieux ?

Jusques à preuve du contraire
Vous réservez votre colère
Pour ce pauvre peuple chinois
Que votre justice réprouve ;
Car le mieux partagé, je trouve,
Est encor le Palestinois.

Car si vous me laissiez moi-même
Choisir, par indulgence extrême,
Entre les deux mots que voilà,
Sans hésiter une seconde,
Sans balancer le moins du monde,
Je choisirais le choléra.

Car, du choléra, de la peste,
On en peut guérir, sans conteste.
Et cela se voit tous les jours.
Mais de l’Albionite aiguë,
La chance est par trop exiguë.
On en meurt à peu près toujours.

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Cette maladie erratique
Vient d’Albion, son nom l’indique.
Ni les Pasteur, ni les Yersin,
Et malgré toute leur science,
Ne peuvent dire en conscience
En avoir trouvé le vaccin.

Comme les rats charrient la peste,
Et du pays le plus agreste
Font un calamiteux désert,
L’Anglais dans son ivresse folle,
En une vaste nécropole
Change le pays qu’il conquiert.

Cette Albionite commence
A peu près comme une romance ;
On s’y ferait à la rigueur.
La première personne atteinte
Ne manifeste aucune crainte,
Croit à quelque mal de langueur…

Peuple, qu’un tel fléau menace,
Montrez-vous plus que lui tenace ;
Et gardez-vous bien de moisir
Sous cet Anglais de pestilence.
Que quand vous laissez cette engeance
Dans votre pays paysir,

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Vous nourrissez un parasite…
Peut-être que votre âme hésite,
Mais votre corps n’est plus chez lui.
C’en est pour ainsi dire un autre
Qui va subtilisant le vôtre ;
Voyez les Indous d’aujourd’hui.

Oui, malheureux Chinois de Chine,
Avec l’Anglais sur votre échine
Je ne vous vois jaunes ni blancs.
Êtes-vous à ce point mazettes,
Tas de millions que vous êtes,
Pour croire à ce vieux cerf-volant ?…



RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
09 nov. 1902

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