28 juil. 2009

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PARAPLUIES PERDUS
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Dans la première quinzaine d’août,
il a été perdu plus de dix mille parapluies.
(Journaux)


Ainsi, malgré ces temps pour truies
Qui nous viennent on ne sait d’où,
Il fut perdu, dans ce mois d’août,
Plus de dix mille parapluies !

Et je n’invente rien, jarni !
Bien mieux, rien qu’à Paris-sur-Seine
Pendant la première quinzaine
Dudit mois - qui n’est pas fini.

Au demeurant, ce chiffre même
N‘est pas pour me surprendre, car
J’en ai perdu deux pour ma part.
Pourtant, aussi vrai que je m’aime,

On ne perd généralement
Un pépin que par des journées
Admirables, ensoleillées -
M’est avis - et voici comment :


Dès ton réveil, à la fenêtre,
Certes, en constatant cela,
Que le Soleil est un peu là,
De cet outil tu ne t’empêtres ;
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Et, souvent c’est un tort aussi :
Il ne faut pas tant tenir compte
D’un baromètre qui remonte,
Surtout à ces époques-ci.


Mais, pour peu que le ciel menace,
Toi, qui crains l’eau comme un lapin,
Tu ne sors pas sans ton pépin…
Et puis le ciel fait volte-face ;


Le bon soleil, en son humour,
Poursuit sa vaste randonnée,
Et pendant toute la journée
Te fait un joli temps d’amour.

Tu vas, avec ce parapluie,
A ton fourbi quotidien,
Et comme il ne te sert de rien,
Nécessairement tu l’oublies


Dans le premier endroit venu,
Dans un tram, à quelque terrasse…
Tu ne peux retrouver sa trace :
Nul ne m’a vu, c’est bien connu.



Mais tu peux aller, d’un pied preste
Le réclamer, bien entendu,
Au bureau des objets perdus,
Seule ressource qui te reste.


Or, il n’est pas rare, après tout,
Qu’il ne s’y trouve, tout arrive,
Quoi qu’on dise, en définitive,
Il est d’honnêtes gens partout.

Et c’est, entre parenthèses,
Dans ce bureau particulier
Que je vais me ravitailler
De pépins - ne vous en déplaise.


Sitôt que le mien j’ai perdu,
Je cours, avec désinvolture,
Sangloter à la Préfecture
De police, tout éperdu.

Là, je raconte mon affaire,
Sans sourciller, à qui de droit.
Je lui dis l’envers et l’endroit,
Et tel autre point de repère



De quelque pépins de haut prix ;
Et - vous pensez - c’est bien le diable,
S’il ne m’en trouve un, tout semblable
A celui-là que je décris.


Quelquefois, ce que je raconte
Lui semble louche… dans ce cas,
Je m’en vais, je n’insiste pas,
Et j’en suis pour ma courte honte.



RAOUL PONCHON
Le Journal
26 août 1912
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