17 janv. 2008

.
.
.
L'Autographe de Sarah
.


J’étais donc à Belle-Isle-en-Mer
En train de prendre mon amer
Opiniâtre,
Lorsque j’aperçus le profil
De Cléopâtre,
Reine du Nil.

Puis, le visage triste et las
De la Dame aux Camélias,
Les yeux de Phèdre,
Le nez mutin de Fédora
Ou - par saint Pèdre ! -
Théodora.

Je vis aussi les cheveux blonds
De dona Sol, et de l’Aiglon
La lèvre ardente ;
Et près du front sombre d’Hamlet,
Ta main sanglante,
Lady Macbeth.

Le tout appartenait à qui ?
Vous parlez en Burlamaqui,
Enfin finale…
A qui ?… Mais à notre Sarah
Nationale
Tragédienne, et coetera.


Une belle surprise encor,
Ce fut d’entendre sa voix d’or
Qui par le monde
Obtient tant et tant de crédit.
De sa voix blonde
Elle me dit :

« Comment, cher ami, vous ici ?
C’est vrai que j’y suis bien aussi.
Mais moi, pour cause :
Après mon annuel effort
Je m’y repose
Dedans mon fort.

« - Rassurez-vous, mon commandant,
J’admire bien trop votre temps,
Pour que j’en prenne,
A moins d’être un grand criminel,
La moindre graine,
Mon colonel.

« Point de bonisseurs superflus ;
Je viens vous demander sans plus
Un autographe,
Ainsi que le font maint et maint,
Un pataraphe
De votre main.


« Cet autographe impérial
N’est pas pour moi, mon général,
C’est pour un zèbre,
Un ami qui se jetterait
Dans la Ténèbre,
S’il ne l’avait.

« - Comment, tu viens ici aussi
Me raser ! Enfin le voici…
Faut-il que j’t’aime !
Mais c’est bien parce que c’est lui.
C’est le centième
De ce jourd’hui. »

RAOUL PONCHON
le Courrier Français
31.08.1902
.
.

Aucun commentaire: