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LA GREVE DES POSTIERS
.LA GREVE DES POSTIERS
Braves postiers, qui vous mettez en grève,
Quel soluble rêve
Caressez-vous ?
Contre l’Etat, ô vous si doux naguère,
Partir en guerre !
Vous êtes fous.
Votre désir est de parer sans doute,
Coûte que coûte,
Au plus urgent.
Vous voudriez -disons-le sans vergogne -
Moins de besogne
Et plus d’argent.
Ah ! Seigneur ! Voilà bien; pauvres hommes,
Où nous en sommes
A peu près tous.
Vous demandez le travail de huit heures,
Ou de sept heures.
Et bien, et nous ?…
Si je tenais seulement pour une heure
L’assiette au beurre,
Croyez ceci :
Que je voudrais doubler votre salaire
Rudimentaire,
Le mien aussi.
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Vous ne touchez en or, argent et bronze,
Dites-vous, qu’onze
A douze cents.
Évidemment, ce n’est pas la fortune.
Triste pécune
Aux temps présents ?
Pour peu que vous ayez femme et mioches
Que d’anicroches,
O Dieu vivant !
A ce prix-là je crois que plus ils jeûnent
Qu’ils ne déjeunent,
Le plus souvent.
Votre métier est dur et j’en soupire ;
J’en sais de pire,
Croyez-le bien.
Il est de vos semblables, de vos frères,
Comme honoraires,
Ne touchant rien.
*
*... *
Vous vous plaignez de dévorer l’espace,
Tel temps qu’il fasse,
Clopin-clopant,
Et de peiner, et d’avoir la peau bise,
Et par la bise,
Et par le vent.
Ce n’est pas gai, certes, mais la froidure
Non plus ne dure,
O mécontents !
Et vous vous rattrapez de belle sorte,
Quand vous conforte
Le doux printemps.
Et l’on vous voit, trottinant par la ville,
D’un pas agile
Et guilleret.
A ces moments ne pèsent plus vos boîtes
Que des ouates,
On le dirait.
Pensez toujours à ceux qui languissent,
Et qui moisissent,
Sur des papiers,
En des bureaux, depuis leur plus bel âge,
Sans faire usage
De leurs deux pieds !
Pour quant à moi dont tout autre est la vie
Je vous envie,
En vérité.
Vivre en plein air, faire de l’exercice,
C’est un délice,
C’est la santé !
Et, bien qu’en aient - que je crois innombrables -
Des honorables
Contradicteurs,
On voit bien moins vieillir, sur notre terre,
Des ministères
Que de facteurs.
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Reprenez donc dès demain vos services.
S’il est des vices
Dans le contrat,
Soyez certains que bientôt sans secousse,
Tout à la douce,
S’arrangera.
RAOUL PONCHON
Le Journal
16 avril 1906
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Hommage aux facteurs
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