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ET LES NEGRESSES ?
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( A propos de la traite des blanches)
Voilà bien des dimanches
Que la traite des blanches
Revient sur le tapis.
Tant pis, tant pis !
L’on hâble et l’on palabre
Sur ce sujet macabre,
Et l’on tient des congrès.
Et puis, après ?
Ce sont là de beaux zèles,
Mais les pauvres donzelles
N’ont guère de repos.
A ce propos,
Et puisque l’on s'épanche
Sur le sort de la blanche,
En somme, dîtes-moi,
Messieurs, pourquoi
On se désintéresse
Du sort de la négresse,
De cette sombre chair
Chère à Schoelcher ?
Je dis qu’au même titre
Elle a voix au chapitre,
Car, au jour d’aujourd'hui,
Il n’est bouiboui,
De maison dite close,
De salon où l’on cause,
Qui n’ait sa bamboula
En chocolat.
Eh bien, d’où viennent-elles,
Némorins, ces Estelles ?
Ont-elles émigré
De leur plein gré ?
Hélas ! non, que je sache.
Croyez qu’on les arrache
A leurs arbres fruitiers,
Leurs cocotiers.
Des êtres sans scrupules,
D’infernales crapules
Font briller à leurs yeux,
Sous d’autres cieux,
Une existence folle
Passant toute hyperbole,
De monstrueux cocos
Et des lingots.
Une fois sur nos rives,
Ces pécores naïves,
On va les dédier
Au dur métier
Que nos blanches moukères
Font en des Buenos-Ayres,
Sinon en des Rio-
De-Janeiro.
On les tient enfermées
En maisons mal famées…
Dieu ! qu’en rose peignoir
Leur cuir est noir !…
Raoul Ponchon
le Journal
fév. 1910
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