8 déc. 2007

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LA COUPE GORDON-BENNETT
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Regardez ces monstres. C’est fou. *
On ne sait, ô démence !
Où l’homme finit, non plus où
La machine commence.

Ils ne font qu’un. Et vous diriez,
Sous cette carapace,
D’on ne sait quels scaphandriers
Qui plongent dans l’espace

Ils sont partis, évanouis.
L’éclair est moins rapide,
Les yeux sont comme éblouis,
La route en est stupide.

Où vont-ils tous ces furieux
Qui font du cent à l’heure ?…
Sont-ils d’autres cieux curieux,
D’une terre meilleure ?…

Sans doute, partis de Saalbourg,
Ils vont, sur leur machine,
Déjeuner à Saint-Pétersbourg,
En passant par la Chine.

Et, comme ils n’y sauraient camper
Tout un jour, j’imagine
Qu’ils reviendront, le soir - souper
A Nevers-la-Bobine.

Que du kilomètre bouffé !
Et ce n’est rien encore,
Ils iront prendre le café,
Plus tard, à Singapore…
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*
* ...*


Eh bien, non. Disons le tout net :
Ils vont courir la Coupe,
En Allemagne, de Bennett :
C’est ça qui vous la coupe !

La gagnera au poteau,
En dépit de la Parque,
Celui dont l’invincible auto
De telle ou telle marque :

Richard -Brasier, Mercedes, Mors,
Sera la plus subite.
Ah ! Seigneur ! à l’instar des morts,
Que les vivants vont vite
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*
* ...*



C’est couru. La Coupe est chez nous,
Elle n’est plus en souabe.
Remercions Dieu à genoux
Le Grand monosyllabe !

Hurrah ! donc, pour notre champion !
Pour Théry ! pour la France !
Hurrah ! pour la vieille Albion,
Qui nous mis tous en transe !

Hurrah ! aussi, pour Jenatzy !
Pour l’empereur lui-même !
Qui s’est montré, dans tout ceci,
D’une obligeance extrême.

Hurrah ! pour Loubet, cadédis !
Patron de notre empire.
Aussi bien, hurrah ! pro nobis !…
C’est moi que je veux dire.

Mon Dieu ! cette Coupe, après tout,
Nulle ombre ne dissipe ;
Si l’on en est fier, c’est surtout
Pour le nommé Principe.


Français ! n’est-il pas consolant
De boire, après la coupe,
Un patriotique vin blanc
Au sein de cette coupe ?



RAOUL PONCHON
Le journal
20 juin 1904



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