4 déc. 2007

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LE TRESOR
et
LA LIGUE ANTIALCOOLIQUE
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Tandis que, sans se lasser, la
Ligue antialcoolique *
Pousse vraiment son holà !
Triste et mélancolique,

Le Journal que voici, sur le-
Quel on crie anathème,
Est en train, tout simplement, de
Résoudre le problème.

« - A la place de Jean Raisin, *
Mettez dans vos bouteilles -
Dit-il, Grain de Blé, son cousin,
Croyez-en vos oreilles.

« Mettez-y du millet aussi,
Et faîtes votre compte ;
Et sans plus vous mettre en souci
De ce qu’on vous raconte.

« Ces grains, qui sont un vrai trésor,
Si vous êtes habiles,
Vous les verrez germer en or
Et remplir des sébiles ;

« Ce blé, ce millet exigus
- Pour que nul n’en ignore -
Seront pour vous autant d’écus
Trébuchants et sonores… »
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*
*... *


Qu’arrive-t-il ? Arrive que
Des familles entières
Ne se livrent plus qu’à ce jeu,
Pour devenir rentières ;

On vit des pêcheurs endurcis
Renoncer à l’amphore,
Aux vins douloureux de Bercys ;
Des gens que, hier encore,


Un alcool âpre travaillait,
Palissent sous les lampes
En comptant des grains de millet,
A s’en flanquer des crampes.

Les cabarets sont délaissés ;
Les femmes sont ravies,
Et, par leurs maris - vous pensez -
Sont aussi mieux servies.


Il se peut que les canaris
Et les serins se plaignent,
Sevrés de leurs grains favoris…
Mais qu’est-ce donc qu’ils craignent,

Puisque ces grains leur reviendront ?
Au demeurant, j’estime
Qu’ils peuvent se mettre au mouron ;
C’est un fort bon régime.

*
* ...*


Et voilà comment le Journal,
Éperdument prodigue,
Par ce concours original,
Travaille pour la Ligue !

Notez que ce jeu - pur hasard -
A de quoi me sourire,
Étant, (suis-je ?) le vrai pochard
Que l’on se plait à dire.

Dam’ bien sûr, car moins on en boif,
De cet alcool coupable,
Et plus il en reste pour moi.
Oh ! Mon Dieu ! c’est bien simple.


RAOUL PONCHON
Le Journal
02 nov. 1903


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