25 nov. 2007

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TOURGNOL-LA-PUREE
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1906 : une loi du 22 novembre fait passer l'indemnité parlementaire de 9000 à 15000 francs par an. Dans le collimateur Jules Tourgnol(1833-1909), député radical-socialiste de la Haute-Vienne sans interruption de 1898 à sa mort, qui menait parallèlement une carrière de publiciste. Pour mémoire, celui-ci eut déjà les honneurs de la presse nationale en plein débat sur la séparation de l ‘Eglise et de l’Etat - à laquelle il était favorable - pour une basse histoire d’abus de pouvoir. Tourgnol avait réclamé à son supérieur hiérarchique la révocation d’un certain Piéri, modeste commis d’enregistrement qui avait eu le tort de prendre le parti de son adversaire politique à la mairie de Saint-Léonard. Les journaux de l’époque hostiles à la séparation firent leurs choux gras de cette affaire et le matraquèrent traitant Tourgnol de bouffon , tyran grotesque etc.La loi de 1906 sur l’indemnité se révéla fort impopulaire… et le réputé roublard Tourgnol se défendit de l’avoir votée. Il s’attira à nouveau une nouvelle volée de bois vert…
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Puisque la maison brûle,
Chauffons-nous.
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.Tourgnol n’a vraiment pas la trouille.
Quel appétit de cormoran !
Il n’a pas assez de menouille
Avec neuf mille francs par an.
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Vous dîtes que pour ce qu’il fiche
A la Chambre, c’est bien assez,
Qu’on le fait encore trop riche ;
Taisez-vous, jeunes insensés.
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Comme il ne reçoit du Hanovre,
Ni d’Isaac, ni de Jacob
Aucun argent, il est plus povre
De ces neuf mille francs que Job.
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Oh ! surtout que point on ne vienne
Lui dire qu’il peut dignement
Représenter sa Haute-Vienne
Avec ce maigre appointement.
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Qu’est-ce que francs neuf mille
A Paris, pour faire le fier ?
Surtout sous le règne d’Émile
Ou tout est devenu si cher.
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Tourgnol vous le dit : « c’est la dèche,
C’est la bohème, le mic-mac !
Il ne saurait rouler calèche,
Il n’en a que pour son tabac.
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Pourtant, il faut qu’il représente
Puisqu’il est pour représenter.
Non, cette somme est trop plaisante
Et l’on a voulu plaisanter…
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Tenez, parlons de façon nette :
On peut bien supposer aussi
Qu’il a quelque passionnette
Comme quiconque, dieu merci !…
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Tourgnol au centre, de face - dessin Derville

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Enfin, que le tient en lisière
Tel vice ou tel autre caché…
- Lui jette la première pierre
Celui qui n’a jamais pêché.
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-On a beau vivre avec méthode,
Neuf mille francs c’est un liard
Pour faire sa cour à Mérode,
Comme pour souper chez Paillard,
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Tout coûte les yeux de la tête
En ce bazar parisien ;
Il n’est pas jusqu’à la buvette
Où l’on ne donne rien pour rien.
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C’est pourquoi Tourgnol se lamente,
Il maigrit, il fait mal à voir.
Que si, tantôt, on ne l’augmente,
Il ne vouera plus rien savoir.
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Ça n’est pas lui, le camarade,
Qui se ferait, pour vingt-cinq francs,
Tuer sur une barricade ;
Il lui faudrait quarante francs
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Par jour. Sa verve politique
Ne commence qu’à ce taux-là ;
Il se fout de la République
Jusqu’à quinze mille, voilà.
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Il ne fera plus la navette
En tapipi, en tapinois,
Entre son banc et la buvette,
Sans souci de ses Viennois.
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Il sera le rigoureux membre
Qui toujours est là le premier
Aux réunions de la Chambre,
Et se retire le dernier.
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Enfin, au lieu de rester terne
Durant son mandat tout entier,
Il fera tout ce qui concerne
Son bizarre et fichu métier…
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O Fortune dénaturée !
J’apprends à l’instant que Tourgnol
Est toujours Tourgnol-la-Purée.
Priez pour ce pauvre Tourgnol !
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RAOUL PONCHON
Le Journal
1906
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Autres photos de Tourgnol
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Tourgnol, jeune avocat
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Tourgnol à la gare de St Léonard


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