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TRENTE BOCKS A l’OMBRE
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Seigneur du cèdre et de l’hysope
Pitié pour vos pithécanthropes ;
Tant de misère les galope.
Seigneur, de grâce, épargnez-leur
Cette épouvantable chaleur
Qui dessèche l’âme et la fleur.
Épargnez à Paris qui rogne
Cette quanteur de charogne,
Vous qui sentez l’eau de Cologne !
Intercédez, reine des lis,
Auprès de votre divin fils.
Vierge mère, ora pro nobis !
Dites-lui qu’il soit moins farouche.
Je suis sûr que rien ne le touche
Comme un seul mot de votre bouche.
Notre Dame de Bon-Conseil,
Dites-lui que de son orteil
Il éteigne un peu le soleil
Qui pompe nos pauvres méninges,
Tandis que suant sous des linges
Il faut travailler pour nos singes.
Travailler ! Ah ! mes pauvres gens !
Faut-il que le cas soit urgent
Pour nous de gagner de l’argent,
En ces heures de canicule !
Il y faut la force d’Hercule…
Pour quant est de moi, je recule.
Je n’aurai pas cette vertu
Serais-je seulement f…ichus
De cogner le moindre fêtu ?
Je suis une loque, une chiffe…
La chaleur me boit et me briffe,
De toute humanité me biffe.
Tenez : Rothschild me mettrait là
Tout l’or et les talbins qu’il a,
En me disant : « Voici, voilà :
Tout cela, je te le résigne,
Pour peu que tu fasses un signe. »
Je ne bougerais d’une ligne.
Aujourd’hui, c’est facile à voir.
Faire un papier est mon devoir ?
Eh bien ! Je ne veux rien savoir ;
Je suis un foudre de paresse.
En vain, ma muse, en sa détresse,
Réclamerait une caresse.
Aussi bien, mon cher directeur,
Excusez près de son lecteur
Votre marmiteux rédacteur ;
Cependant que, dans un lieu sombre,
Il va boire, ou plutôt son ombre -
Dix bocks à l’heure, comme au nombre.
RAOUL PONCHON
le Journal
13 juin 1903
Seigneur du cèdre et de l’hysope
Pitié pour vos pithécanthropes ;
Tant de misère les galope.
Seigneur, de grâce, épargnez-leur
Cette épouvantable chaleur
Qui dessèche l’âme et la fleur.
Épargnez à Paris qui rogne
Cette quanteur de charogne,
Vous qui sentez l’eau de Cologne !
Intercédez, reine des lis,
Auprès de votre divin fils.
Vierge mère, ora pro nobis !
Dites-lui qu’il soit moins farouche.
Je suis sûr que rien ne le touche
Comme un seul mot de votre bouche.
Notre Dame de Bon-Conseil,
Dites-lui que de son orteil
Il éteigne un peu le soleil
Qui pompe nos pauvres méninges,
Tandis que suant sous des linges
Il faut travailler pour nos singes.
Travailler ! Ah ! mes pauvres gens !
Faut-il que le cas soit urgent
Pour nous de gagner de l’argent,
En ces heures de canicule !
Il y faut la force d’Hercule…
Pour quant est de moi, je recule.
Je n’aurai pas cette vertu
Serais-je seulement f…ichus
De cogner le moindre fêtu ?
Je suis une loque, une chiffe…
La chaleur me boit et me briffe,
De toute humanité me biffe.
Tenez : Rothschild me mettrait là
Tout l’or et les talbins qu’il a,
En me disant : « Voici, voilà :
Tout cela, je te le résigne,
Pour peu que tu fasses un signe. »
Je ne bougerais d’une ligne.
Aujourd’hui, c’est facile à voir.
Faire un papier est mon devoir ?
Eh bien ! Je ne veux rien savoir ;
Je suis un foudre de paresse.
En vain, ma muse, en sa détresse,
Réclamerait une caresse.
Aussi bien, mon cher directeur,
Excusez près de son lecteur
Votre marmiteux rédacteur ;
Cependant que, dans un lieu sombre,
Il va boire, ou plutôt son ombre -
Dix bocks à l’heure, comme au nombre.
RAOUL PONCHON
le Journal
13 juin 1903
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