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.Chamberlain adore les fleurs
.Chamberlain adore les fleurs, *
Leur candeur, leur galbe et leur faste
Et leurs parfums et leurs couleurs.
C’est évidemment par contraste.
Robespierre était dans ce cas -
A ce qu’on dit. Il n’est pas rare
De trouver ces goûts délicats
Chez des gens au cœur de Carrare.
Donc ce farouche Chamberlain
Adore les fleurs - la crapule !
Il les renifle, ce félin,
Les tracasse, les manipule !
Il fait ses délices des lys ;
Il cueille de ses doigts moroses,
Pour le corset de ses Philis,
Les plus fashionables roses.
Parfois on le voit qui pâlit
Devant la plus humble fleurette ;
Il rêve sur le pissenlit,
Sanglote sur la pâquerette.
Ainsi que notre Montesquiou,
C’est un chef des Odeurs Suaves.
On l’a surpris souvent à Kiew (1)
Disant aux fleurs : vous êtes braves !
.
Plutôt des fleurs et du pain sec…
Sans fleurs, pour lui la vie est nulle.
Il sonne ses laquais avec
Des clochettes de campanule.
Le soir, ce vilain gaillard-là,
Toute bosogne liquidée,
Se met un habit de gala,
Et se pare d’une orchidée ;
Toute bosogne liquidée,
Se met un habit de gala,
Et se pare d’une orchidée ;
Puis, il s’en va dans les salons
Semer des fleurs de rhétorique
Et poser les premiers jalons
De quelque nouveau Sud Afrique.
Semer des fleurs de rhétorique
Et poser les premiers jalons
De quelque nouveau Sud Afrique.
L’hiver le retrouve bien las.
Le printemps vient : ses yeux sévères
Regerment aux premiers lilas,
S’ils n’éclosent aux primevères.
Il arrivera des malheurs,
Bien sur ; car, avec sa folie,
C’est peut-être en cueillant des fleurs,
Qu’il finira, comme Ophélie.
Tout dernièrement, au Transvaal
Notre sinistre personnage
Parcourait sur un bai cheval
Les lieux encor chauds de carnage.
- « Las ! dit-il - que de sang versé,
Mais aussi que de fleurs superbes -
Voyez - en ces gens engraissés,
Où ne poussaient que folles herbes ! »
Notre sinistre personnage
Parcourait sur un bai cheval
Les lieux encor chauds de carnage.
- « Las ! dit-il - que de sang versé,
Mais aussi que de fleurs superbes -
Voyez - en ces gens engraissés,
Où ne poussaient que folles herbes ! »
Et d’un geste non sans ampleur,
Pour honorer à sa manière
Ses mots, il cueillit une fleur
Dont il para sa boutonnière.
Ressemblant à ces scélérats
Qui de leur main encor rougie
Écrivent sur l’air : Ça ira,
Une berquinesque élégie…
RAOUL PONCHON
Le Journal
23 août 1903
Qui de leur main encor rougie
Écrivent sur l’air : Ça ira,
Une berquinesque élégie…
RAOUL PONCHON
Le Journal
23 août 1903
(1) grand parc botanique près de Londres
1 commentaire:
Bravo. Du cynisme avec des fleurs !
du bon Ponchon qui n'est pas uniquement un poète bacchique.
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