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AU SALON DES INDEPENDANTS
AU SALON DES INDEPENDANTS
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Chacun se souvient encore
Du brave douanier Rousseau,
De la faune et de la flore
Chefs d’œuvre de son pinceau !
Des enfants à jambes tortes,
Sans gabarit, ni cerveau
Qui tenaient, en quelque sorte,
De la grenouille et du veau,
Des seigneurs et des concierges,
Ainsi que des amoureux,
Errant en des forêts vierges
Parmi des tigres affreux…
Croyez que cet excellent homme
N’était du tout un farceur.
Il ne se donnait pas comme
Un Simon, le Précurseur.
Il ne souillait pas sa toile,
Ainsi que Boronali
Fit plus tard, et dont l’étoile,
Hélas ! a trop tôt pâli !
Non, Sa peinture était celle
D’un enfant, au résumé,
D’une ingénuité telle
Que l’on était désarmé.
Mais chose des plus grièves,
Nous constatons aujourd’hui
Qu’il a fait quelques élèves
Qui vont raffinant sur lui,
Et sottise non pareille !
Vous accrocherons un nez
A la place de l’oreille,
Pour n’être point surannés…
Ce qui n’était qu’une impuissance
Chez le maître en question,
Chez eux n’est plus que licence
Et mystification.
*
* ...*
Pardon !… du côté sculpture,
Dans ce même bâtiment
Un se montre - sur facture -
Très sincère, évidemment.
C’est celui qui, cette année,
Nous fait avec des tuyaux
De poêle, de cheminée,
Entr’autres matériaux,
Une sorte de bonhomme,
Lequel n’est pas dans un sac,
Mais qui représente, en somme,
Un « gondolier » tout à trac.
Au moins ce sculpteur est drôle,
Il ne cache pas son jeu ;
Et son gondolier en tôle
A la valeur d’un aveu :
En effet, le doux artiste
A tout simplement voulu
Nous prouver qu’il est fumiste;
Mais c’était bien superflus.
*
* ...*
Après tout, sombres esthètes,
J’ai comme un vague soupçon
Que vous vous payez nos têtes,
Et vous avez bien raison,
Puisqu’on trouve des critiques
Assez fous pour discuter
Vos horreurs systématiques,
Des gens pour les acheter.
RAOUL PONCHON
Le Journal
16 mars 1914
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