11 oct. 2007

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DIEU
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Saint-Pierre un jour se promenait
Dans la verte campagne,
Et marmonnait et ruminait
des châteaux en Espagne.

" Ah ! que j'aimerais être Dieu !
- Allait-il jusqu'à dire -
Pour gouverner, selon mon voeu
Tout le terreste empire.

- Soit, lui dit Dieu qui tout entend,
Je te fais cette grâce.
Je me reposerai d'autant.
Prends pour un jour ma place. "

Un trône alors tomba des cieux
Où s'assit sans vergogne
Notre compère ambitieux
Qui, d'abord, se renfrogne.

Tôt après ce bon Dieu nouveau,
Affamé de panache,
Vit une vieille dans un pré
Menant paître sa vache,

Puis la quitter sans s'attarder :
" Qui donc, lui dit saint Pierre,
Va cette vache ici garder,
Si tu t'en vas, sorcière ?


- La belle demande ! parbleu,
Point je ne m'en martèle.
Je la laisse aux soins du Bon Dieu.
Pour moi, répondit-elle,

" Je dois rentrer à la maison
Où m'attend la marmaille.
- Elle a cent mille fois raison,
Dit le Seigneur qui raille.

" Et puisque c'est toi le Bon Dieu,
Il n'y a pas, macache...
Il te faut rester en ce lieu
Et lui garder sa vache.

* *

Il faisait un atroce temps
D'orage, de tempête.
Un tas de mouche et de taons
Navraient la pauvre bête.

Bientôt soufflant et mugissant,
N'y pouvant plus suffire,
Elle partit à travers champs
En proie à ce martyre.

Saint Pierre dut courir après
Pendant des kilomètres,
Franchir des buissons, des guérets
Sous l'oeil du Divin Maître.


Il courut ainsi tout le jour
Sans la pouvoir rejoindre,
Et quand la nuit vint à son tour
Il était réduit, moindre...

" Ainsi, lui dit le Seigneur, tu
Veux régir, ô ganache !
Le monde ! et tu n'es pas foutu
De garder une vache ! "



RAOUL PONCHON
le Courrier Français
24 nov. 1911



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