15 oct. 2007

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LE JARDIN D'ALIMENTATION
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Le docteur X... vient de découvrir que le raisin était des plus malsains.
(Journaux)



Si l'on en croit les médecins,
Tous les aliments sont malsains,
Sont nos destructeurs assassins.

Aucun - d'après ces imbéciles -
Qui ne soit un sûr domicile
Pour de détestables bacilles.

Le végétal et l'animal
Qui sont notre manger normal,
C'est d'eux que nous vient tout le mal.

Fi des viandes de boucherie !
Et, tu parles, vierge Marie
De la môme charcuterie !

Point de moutons à nos repas.
Le boeuf, le veau, c'est le trépas.
Quant au cochon, n'en parlons pas.

Le poisson est typhoïdique.
L'huitre - ainsi que son nom l'indique,
Est on ne peut plus huitritique.

De plus, on ne saurait assez
Se méfier des crustacés.
Et bran pour les gallinacés.

Il est étonnant que nous pûmes
Vivre les jours que nous vécûmes,
En végétant sur les légumes.

Remarquez que ces gens instruits
Font courir les plus fâcheux bruits
Sur, en général, tous les fruits.


Le lait, le beurre, le fromage,
Vous ne pouvez même en image,
Les regarder - sans grand dommage.

Baisez mon cul, mangez des oeufs,
Vous disent ces savants crasseux,
Encor des oeufs, c'est bien chanceux !

Car dans un oeuf plus à la coque
Cent fois que Marie Alacoque
On peut trouver du streptocoque.

Le pain, à moins d'êtretrès cuit,
D'être biscuit, d'être triscuit,
Gène ton sang en son circuit.

Le vin, c'est, à brève échéance,
L'inévitable déchéance,
Et quelle que soit sa nuance.

La bière, le cidre normand
C'est, tu as beau dire : maman...
Le complet abrutissement.

L'eau, c'est le choléra, la peste,
Qui l'emporte sur tout le reste.
Ca, je le sais. Mais, malepeste !

Si l'on ne peut boire ou manger
Rien qui n'offre quelque danger,
Pourquoi vouloir nous abréger

Encore plus par ta cuisine,
Et par ta science assassine,
O Faculté de médecine !

Puisque nous mourons tous les jours,
De manger, pourquoi ton concours ?
Laisse la mort suivre son cours.



RAOUL PONCHON
le Courrier Français
13 sept.1906



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