12 oct. 2007

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Invectives
Ponchon avait été condamné par défaut, le 11 nov. 1891, à quinze jours de prison pour outrages à la morale publique, à la suite de la publication de sa "gazette rimée": Vieux Messieurs dans le Courrier français du 13 septembre 1891. Voir cette gazette et articles sur le procès : * et *
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A Raoul Ponchon.
(Conseils dans sa manière)


Ponchon, vus n'êtes pas raisonnable non plus.
Ecoutez ma semonce :
Eh quoi ! vous vous rangez dans les gens dissolus
Dont rougirait Alphonse,

Qui fait la honte, ayant de l'esprit à gogo
De toute notre époque.
Notre époque n'est plus celle du père Hugo,
- Encore un bon loufoque !

Ni même celle de Voltaire (Arouet) , ni
Celle du grand Monarque.
Et vous voici parmi le nombre indéfini
Des criminels de marque.

Quinze jours de prison pour outrages à la
Sainte Magistrature...
Mais je me trompe... à la morale, et me voilà
Tout prêt à la rature.

Car je ne suis pas, moi, comme vous, bon Raoul,
De l'opposante race,
Et que mz fait d'ailleurs que tel juge maboul
Soit un dux pédérasse.

Tous les chasseurs à pied, tous le garçons baigneurs,
Tous les télégraphistes
Peuvent bien défiler devant ses yeux sans moeurs,
Et l'avoir sur leurs listes,

Je m'en fous, et je suis trop bon citoyen
Pour crier comme on beugle...
Règle : voir si l'on veut, si l'on peut, c'est très bien,
Mais être d'un aveugle !!

Et libre à tout un tribunal, s'il décida,
Pour que rien ne se perde,
En lace de biftecks, au lieu de tel rata,
De manger de la m....

Qu'il mange de la m.... ou non, dites un peu
Si cela vous regarde !
Allons faites vos quinze jours et nom de Dieu !
Dieu vous ait en sa garde.



PAUL VERLAINE
Invectives
16 nov 1891
(paru chez Vanier fin 1896)


°°°°

Une première version de ce manuscrit fut adressée à Ponchon, avec la lettre suivante, les deux textes se faisant vis-à-vis au verso d'une feuille d'hôpital :
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Lundi 2 Xbre 1891.

Mon cher Ponchon,


Reçu votre lettre. Merci de la bonne volonté, surtout en présence de ce Roques qui rime si bien, en assonnances, avec escroc (1) . Faites le possible et encore merci !
Rempli par écrit, car je ne le vois pas sepuis quelque temps, votre commission auprès de Vanier (2).
Verrai sans doute Cazals ces jours-ci. Lui parlerai dans le sens que faut.
Votre affaire ? A son propos j'ai rimé quelques vers pour mon prochain volume Invectives. Ci-joint la dite production.
Amitiés à Richepin et Bouchor quand les verrez.
Y aura-t-il des marionnettes cette année ? Serai bien désireux d'enfin les voir quand sorti, si je sors à temps et pas les pattes de derrière en avant.
C'est ça, venez donc un de ces jours voir

Votre
P. Verlaine
- visible tous les jours de 2 à 3. H. Broussais, Salle Lasègne, 24. 96. rue Didot.


(1)Ponchon servait d'intermédiaire à Verlaine auprès de la rédaction du Courrier Français (où son ami n'était guère en cour notemment avec Jules Roques, son directeur).
(2) Vanier éditeur de Verlaine.

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