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Chanson d'Automne

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Là voilà, la jolie vigne à vin !
(Chanson populaire)


Le pays le plus beau du monde
C'est la France, n'en doutez pas.
La vigne y pousse ardente et blonde
Pour ainsi dire à chaque pas.
Mon Dieu, qu'ils ont donc de la guigne,
- Vive la vigne ! -
Les peuples qui n'ont pas de vin.
Vive le vin !

Qu'est-ce qu'ils boivent ? De la bière ?
... Les pauvres ! Nécessairement
Que si je passe la frontière
Et vais en pays allemand,
J'en bois malgré que je rechigne,
- Vive la vigne ! -
A la santé de notre vin.
Vive le vin !

Tel un amoureux infidèle
Qui, dans les bras de Margoton,
La nomme tout le temps Adèle...
Jeanne, Jeannette ou Jeanneton.
Mais revenons à notre vigne,
- Vive la vigne ! -
Occupons-nous de notre vin.
Vive le vin !

De tous côtés l'automne enchante
Aujourd'hui chaumes et châteaux,
Voici la vendange qui chante
Et s'agite sur nos côteaux.
Sera-t'elle de tous points digne ?
Vive la vigne !
Allons-nous avoir du bon vin ?
Vive le vin !

Malheur au poète malade
Qui ne sait boire que de l'eau ;
Qu'il déliquesce ou qu'il décade,
Il présente un vilain tableau,
Pour lui le gros Sarcey rechigne,
- Vive la vigne ! -
Et Pégase a des éparvins ;
Vive le vin !

Tenez pour certain qu'un poète
Buveur de bière est assommant :
Me suffit de citer Goethe.
Mais voyez le gros Saint-Amant,
Il est gai sur toute la ligne.
- Vive la vigne ! -
C'est un rare et brave écrivain.
Vive le vin !

Quoi qu'en dise cette carcasse
Qu'on nomme Despréaux-Boileau,
Il est l'abstème du Parnasse.
Rien qu'en son nom, que d'aux ! que d'eau !
Que ne signait-il Desprévignes !
- Vive la vigne ! -
Desprévigne ainsi que Boivin ?
Vive le vin !

C'est le vin qui court dans ses veines
Qui met la France tout d'abord
En tête des nations vaines !
Je te dirai jusqu'à ma mort
Et tel sera mon chant du cygne :
Vive la vigne !
Pour que nos neveux aient du vin :
Vive le vin !


RAOUL PONCHON
le Courrier Français

25 oct. 1891

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