15 oct. 2007

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Les Amants de Venise
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Les Amants de Venise.
Charles Maurras

Une Histoire d'Amour.
P. Mariéton



Voici, derechef, qu'on nous rase,
Je dirai plus - qu'on nous Maurrase,
Et nous Mariétonne aussi
Avec ces Amants de Venise
Dont l'aventure, sans feintise,
Sera tirée au clair, ici.

Eh ! grands dieux ! pourquoi cette orgie,
Cet excès de psychologie !
Est-il plus neutre fait divers
Que les amours de girouette
De ce bas bleu pour ce poète
Depuis qu'existe l'Univers ?

La qualité des personnages,
Croyez-le bien, en ce ménage
N'ajoute aucune majesté.
Et le cadre d'or de Venise
Au contraire n'en solennise
Que l'atroce banalité.

Ils s'aimèrent, ils se le dirent.
Finalement, ils se le firent.
Et puis un troisième survint.
C'est ainsi que cela se passe
A travers le temps et l'espace,
Tout au moins dix-neuf fois sur vingt.

Peut-être l'entrée en ménage
De ce troisième personnage
Sort-elle un peu du convenu !
Encore, dans mon zèle extrême,
Il est possible que moi-même
J'en parle comme un ingénu.

D'abord le poète et sa mie
S'aimèrent sans économie

Quand, plus inhabile à ce sport,
Le poète tomba malade.
Alors ce fut la débandade.
Les malades ont toujours tort.


Or, la muse sans défiance
Envoya guérir la science ;

La science se présenta
Sous la forme d'un beau jeune homme
Rond et joufflu comme une pomme,
Qui devint persona grata.

Comme elle était bonne et lui tendre,
Ils eurent tôt fait de s'entendre.
Tandis d'une main, soucieux,
Il tâtait le pouls au poète,
De l'autre il tâtait l'alouette
Qui lui tombait ainsi des cieux.

N'ayant, comme notre amoureuse
Rien à mettre sous sa dent creuse,
Dame, on fait flèche de tout bois.
Aussi, dès la prime visite
De notre docteur émérite
Il y eut deux heureux sur trois.

Remarquez que dans cette affaire
Il n'est rien d'extraordinaire.

Elle est bête à manger du foin.
Ce pouvait tout aussi bien être,
Au lieu d'un docteur, quelque prêtre,
Sinon le perruquier du coin.



Raoul Ponchon
le Courrier Français
23 nov. 1902



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