6 oct. 2007

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L’ IMPOT SUR L’ALCOOL
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A l’ami Aspo-op


Décidément on te trompe,
On te mène par la trompe
Comme un naïf éléphant ;
On te moque, on te suffoque,
On va te rendre loufoque,
O France, ma chère enfant !

On te monte d’âpres scies,
Te fait prendre des Russies
Pour des lanternes. On te
Tond la laine sur l’échine :
A côté de toi la Chine
C’est le Pérou. Nom de Dieu.

(La Chine au moins ne se pique
Nullement de république.)
Ah ! les chameaux ! les chameaux !
Pour dire la muflerie
Qui préside à la patrie
On ne trouve pas de mots.

Entre les mains de nos sires
On voit fondre comme cires
Notre honneur et notre argent.
On nous paye de palabres,
On nous enjuive, délabre ;
Nous sommes en proie aux gens.

Est-ce que pas hier encore
Comme à la moindre pécore
On ne nous prit Fachoda ?
Baisions-nous par le derrière
De cette vieille douairière
La Queen de Brandy Soda ?

Mais voilà le plus étrange :
Aujourd’hui vraiment, qu’apprends-je ?
On rimpose l’alco-ol !
Quand déjà la vieille bête
Coûtait les yeux de la tête.
Enfin, voyons, Aspo-ol ?


Je veux bien que l’on impose
Et même qu’on Peytralose
Le revenu. Je m’en fous,
Je n’en ai pas. Mais l’honnête
Alcool qui monte à la tête
Et rend les plus sages fous ?...

Mais, vous diront nos cyniques,
Les boissons hygiéniques
Nous les dégrevons d’autant :
Qu’est-ce que c’est, ô cyniques !
Les boissons hygiéniques ?
Non, vrai, ils sont épatants.

Est-ce qu’elles ont des pattes ?
Sont-elles homéopathes
Ces hygiéniques boissons ?
Est-ce le vin, ou la bière,
Ou tout simplement l’eau claire ?
Ou de l’huile de poissons ?

Grands dieux, les vieilles badernes,
Les gâteux qui nous gouvernent !
S’ils pensent diminuer
Le nombre des alcooliques,
C’est à foutre des coliques.
Ils sont bêtes à tuer.

L’impôt sur l’alcool ! Prends garde !
Est-ce que ça les regarde ?
Je prends les cieux à témoins
Que les pochards de tout âge
N’en boiront que davantage,
Quitte à manger un peu moins.

Pour moi que l’impôt ne vise
Puisque telle est ma devise
Qu’on connaît : jamais d’alcool.
Je vais tout à l’heure en boire
Jusqu’à me flanquer la foire,
Enfin, voyons, mon Aspol ?...


RAOUL PONCHON

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