6 oct. 2007

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TRISTESSE DU RETOUR

A mon ami Archbold-Aspol


Après quatre grands mois d’herbe,
De bel air (jamais d’alcool),
Au bord de la mer superbe,
Vous ne sauriez croire, Aspol,

A quel point cela me navre
De ramener à Paris
Mon franco-russe cadavre
Qui n’en est du tout épris.

Je ne sais, mais il me semble
Que j’y vais mourir un peu,
Y laisser mon rève ensemble
Et mon ultime cheveu.

Sa foule mauvaise et noire
Décidément me fait peur.
– O mer, ta houle, ta noire,
Et ton charme enveloppeur !

O ciel bleu ! campagne verde !
Enorme et libre horizon !
O Paris ! tes murs de merde !
Paris égout et prison !

Enfin…pourriez-vous me dire
Excusez un voyageur,
Aspol – où l’on y respire,
Où l’on y rit en largeur ?

Cherchez pas, c’est inutile,
On n’a pas prévu l’endroit ;
C’est dans une grande ville
Qu’on est surtout à l’étroit.

Tenez…tel qui d’aventure
Fait un pet de Limousin
Dans sa chambre, je vous jure
Qu’il empeste son voisin.

Faut-il songer à la briffe
Qui doit y tromper ma faim ?...
Aux carnes qu’on y rosbiffe ?...
Et le vin ! Aspol, ce vin

A faire danser les chêvres,
Et nos estomacs aussi,
Né sur les coteaux de Sêvres
Sinon aux quais de Bercy !...

J’en pourrais dire plus outre
Mais cela suffit-il point
A vous rendre Paris – foutre ! –
Odieux au dernier point ?

Et cependant j’y retourne
Dans ce Paris patraque,
Oui, que voulez-vous ? c’est pour ne
Pas être trop remarqué…

Et, peut-être un peu bien parce
Que je suis sans volonté,
Un être bizarre et farce
Ou mieux un né bête.

…………………………

Las ! voici le train en gare
Et ça sent déjà le pied,
Le musc, le mauvais cigare,
La boutique de fripier ;

Déjà le douanier s’amuse
A farfouiller, le cochon !
Les pantalons de ma muse
Et mes pots de cornichons !...

Et dire qu’on a son streuggle
Dans un tel pays ! horror !...
Si je me faisais aveugle ?
C’est une idée…et encor

Ca ne serait pas honnête
Car je ne sais pas du tout
Jouer de la clarinette
Et je n’ai pas de toutou.



RAOUL PONCHON
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