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20 ans
de
COURRIER FRANCAIS
Donc, Roques, je tiens de votre magnificence
Ce vieux Courrier Français qui vous doit la naissance -
Je veux dire celui tome dix neuf cent trois -
Quand nous serons à cent, nous ferons une croix.
J'en ai déjà dix-huit, sinon dix-neuf années,
De ce fameux Courrier qui suit ses destinées, *
Malgré vents et marées et fluctuations,
Et je ne sais combien de persécutions...
Car, lui fit-on assez, grands Dieux ! de ces histoires
Pour quelques malheureux dessins attentatoires
A la morale, hélas ! de Monsieur Bérenger,
Ce lys entre les lys, cette fleur d'oranger.
Quand on y réfléchit, ce n'est pas peu de chose
Que de durer vingt ans, et pour la bonne cause,
Et d'amener à soi, tout bien considérant,
Un public qu'on disait d'abord indifférent.
Et, c'est le cas ici de dire et de redire
Que le Courrier Français exerça son empire
Pour avoir fait de l'Art son souci coutumier.
Or, il fut des journaux artistes le premier.
Ce ne sont pas chez lui de ces vaines images
Auxquelles un bourgeois stupide rend hommage ;
De ces dessins affreux, ignobles, repoussants
Défiant toute anatomie et tout bon sens,
Que l'on ne peut ouvrir que dans certains milieux,
Entre vieux dégoutants, et notamment aux lieux.
*
* ..*
Et les auteurs de ça se disent des artistes !
Donnay dirait : Ce sont des jeunes hommes tristes.
*
* ..*
Feuilletez à présent le recueil du COURRIER,
Et vous y trouverez plus d'un maître ouvrier.
C'est d'abord cet exquis et génial Willette
Qui de Watteau - dit-on - hérita la palette...
Ces rapprochements là me semblent superflus
Willette c'est Willette. Et que veut-on de plus ? *
Voilà plus de vingt ans que sa verve inlassable
Pond des chefs-d'oeuvre sur le mufle haïssable,
Et répand sans compter son toujours jeune esprit
A travers la magie énorme de Paris.
Feuilletez : c'est Forain, un empereur terrible,
Passant l'humanité toute entière à son crible, *
Et je vous garantis que les trous sont petits,
Par où nous passerons, pauvres nous abrutis !
Mais comme il suit toujours son humeur ambulante,
Il ne fut au COURRIER qu'une étoile filante.
Feuilletez, feuilletez : voici le père Heidbrinck.
Il est allé, je crois, dans un autre meeting...
Il n'en a pas moins fait pendant nombre d'années
Des pages de haut goût, parfaites, obstinées ;
Puis, c'est le père Pille... il serait puéril
De vous présenter cet échappé de l'an mil, *
Qui sut, tout en faisant avec nous bon ménage,
Opiniâtrement rester du Moyen-Âge.
C'est Legrand... je le vois encore débutant. *
Il est un des premiers artistes de son temps,
Aujourd'hui ; vous pouvez aller vous en convaincre,
Chez Petit ; on l'y voit en cent manières vaincre,
En peinture, aquarelle, eaux fortes et pastels...
Ce Legrand communie à différents autels.
Hermann-Paul fut aussi des nôtres, satirique
Eperdument épris de nos hideurs lyriques ;
Et Lunel... coloriste énorme en ses dessins ;
Et Chéret ! Le nommer suffit à mes desseins, *
Car, virtuellement, ainsi qu'un aigle, il plane
Sur le Courrier Français...
Et Widhopff, Dieu me damne !
Irai-je l'oublier ? Oh ! que non pas. Widhopff,
Encore qu'il soit né près de la mer d'Azoff, *
Est un parisien subtil autant qu'un autre.
S'il manque à son pays, il fait honneur au nôtre...
Et Lami, cette Grâce !... Et Villon, ce gamin
Qui deviendra, c'est sûr un maître de demain. *
Et tant d'autres, parbleu ! mais il faut que j'en passe ;
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