12 oct. 2007

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EXTREMISTES

Vous connaissez bien des moroses
Hâbleurs, assez fréquents chez nous,
Qui prétendent sur toutes choses
En savoir toujours plus que vous.

Par malheur tu les interpelles,
Leur demandes : quoi de nouveau ?
D'un tas de fâcheuses nouvelles
Ils te dévident l'écheveau.

En ajoutant, ô radotage !
Surtout, monsieur, soyez discret !
Je tiens ça d'un haut personnage
Qui m'a fait jurer le secret.

En général, ces nouvellistes
Qui raisonnent comme un tambour,
Sont, selon l'occase, optimistes
Ou pessimistes, tour à tour.

Mais, qu'ils soient l'un ou l'autre en somme
Je les tiens pour mauvais Français,
Rien n'étant déplorable, comme
De choir dans l'un ou l'autre excès.

Si laissant cette sotte engeance
Vous désirez vous faire aussi
Une opinion sans outrance,
Lisez premièrement ceci :


Jadis, les seigneurs d'importance,
Portaient deux montres, comme on sait,
L'une était toujours en avance,
Tandis que l'autre retardait.

Or, pour avoir l'heure certaine,
Qu'est-ce que faisaient ces messieurs ?
Ils établissaient la moyenne
En quelque sorte, entre les deux.

Que si l'une, moins endormie,
Par exemple en son mouvement
Indiquait une heure et demie,
Et l'autre, une heure simplement.

Sans hésiter le moins du monde,
Ils tenaient compte de l'écart,
Et décidaient, dans la seconde,
Qu'il devait être une heure et quart.

De même, sans être extrémiste,
Sans plus d'imagination
On peut se faire, gaie ou trite
Une modeste opinion.


RAOUL PONCHON
le Journal
30 oct. 1924




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