10 oct. 2007

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LE VIN SUISSE
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Les Anglais auraient résolu de
ne plus acheter de vin chez nous,
et de s'adresser à la Suisse.



Il paraîtrait que les Anglais,
Dont on connaît la tempérance,
Pour se venger de nos pamphlets,
Ne veulent plus des vins de France!
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Ni Bourguignon, ni Bordelais.
Je veux que m'emporte le Diantre,
S'ils ne boudent pas leur palais,
S'ils n'en veulent point à leur ventre.
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Nos vins généreux et subtils,
Ils vont nous les laisser pour compte,
Ils ne boiront plus-disent-ils-
Que du Vin Suisse, à notre honte.
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Je ne sais si vous avez bu
Jamais du vin de l'Helvétie,
Ou seulement même entrevu?
Quant à moi, je vous remercie...
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N'en déplaise au docteur Pelet,
Qui l'insinue à ses victimes,
C'est un vin quelconque, incomplet,
Sans nulles qualités intimes.
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Il est lunaire, sépulcral,
Et de dégustation brève;
Aussi vague que l'amiral
Croisant sur le lac de Genève.
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C'est à boire du "Cortaillod"
Et du "Vinzel" et de l' "Yvorne",
Peut-être bien qu'Édouard Rod
Est, en somme, un auteur si morne.
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C'est grâce à son vin malplaisant
Que la Suisse est pauvre en esthètes,
Et qu'on trouve si peu d'accent
Aux meilleurs chants de ses poètes.


RAOUL PONCHON
extrait d'un journal suisse
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REPONSE D'UN SUISSE
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Monsieur Ponchon, dans son "Journal",
Dénigre les vins Helvétiques.
Il faut croire que l'animal
N'en a jamais bu d'authentiques.
Il plaisante le "Dézaley"
Et se gausse de nos "Yvornes".
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Qu'il vienne donc dans nos caveaux,
Tâter un peu de nos bouteilles.
Il verra bien si ses Bordeaux
Valent le nectar de nos treilles,
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Il jugera si nos "Cully"
Méritent ses calembredaines...
Et je l'attends aux clairs
"Vinzel"Aux "Féchy", au doux "Villeneuve".
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C'est ce vin-là, méchant vantard,
-On en garde ici souvenance-
Qui jadis sauva vos lignards
Par l'Allemand chassés de France.




(Tissot, Lausanne)
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Réponse à Tissot
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Ne fais donc pas tant de musique.
Voui, mon vieux Tissot, j'en ai bu
Du vin suisse, et de l'authentique.
Et j'en suis encore fourbu.
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Je l'ai dit et je le répète:
Qu'il soit du Vaud ou du Valais,
Ton pinard ne vaut pas tripette,
C'est le pire des reginglets.
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Que dis-je ? il rend bête. Et, la preuve
Est pour moi faite à tout jamais
De sa non-vertu. Je la treuve
Dans cette rage où tu te mets.
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Je ne me mets pas en colère,
Moi. Je te le dis sans accès
De fureur: ton vin ne peut plaire
À mon estomac de Français.
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Tes "Neuchâtels" et tes "Yvornes"
Sont aussi plats que des valets;
Et tes "Villeneuve" sont mornes
Comme les crétins du Valais.
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Au "Montreux" que chante ta lyre
Je préfère l'eau de Vichy.
Je n'ai pas besoin de te dire
Quoi me font faire tes... "Féchy".
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C'est du jus de queue de cerises,
Tes "Pully" comme tes "Cully".
Autant vaut qu'on se gargarise
Avec l'air de Funiculi...
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Ton "Vinzel" n'a pas raison d'être.
Quant à ton triste "Dézaley"
Il est bon, au plus, pour y mettre
Une morue à dessaler.
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Où tu perds quelque peu la tête,
Mon vieux Tissot, c'est quand tu dis
Qu'à l'heure de notre défaite,
En dix-huit cent soixante-dix,
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Votre vin sauva du naufrage
Nos malheureux petits lignards...
Outre que tu tiens un langage
Peu généreux à tous égards;
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C'est précisément le contraire,
Car, si je suis bien renseigné,
Il acheva ceux que la Guerre
Avait jusqu'alors épargnés.
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RAOUL PONCHON
1901
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