7 sept. 2009

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L'AMOUR DE LA LIBERTE
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" On dit : triste comme la porte
D'une prison,
Et je crois, le diable m'emporte,
Qu'on a raison, "


Disait Musset. Et moi, j'ajoute :
Cela dépend.
Elle n'a rien de gai, sans doute,
De bien pimpant.

Et surtout pour le pauvre hère
D'incarcéré,
Qui ne la voit que par derrière,
Côté pas vrai.

Mais s'il la voit du côté rue,
Un beau matin,
Une fois sa peine courue,
Il est certain

Qu'elle cesse alors d'être hostile
Pour mon lascar.
Que dis-je ? Il lui trouve du style.
Probable, car

Je prétends qu'il faut que l'on sorte
D'une prison
Pour en apprécier la porte
Avec raison.

Pourquoi sortir ?... m'allez-vous dire.
Voilà le point :
Parce qu'il ne peut suffire
De n'entrer point.


Pour bien goûter dans chaque fibre
Et pleinement
L'âpre volupté d'être libre,
Mon sentiment,

C'est qu'il est de toute importance
D'avoir été
Privé de son indépendance,
Fût-ce un été !

De même, ceux que la Fortune
A couronnés
Qui n'ont jamais pour une thune
Eté gênés,

Ignorent en leur âme obscure
D'épicurien,
Tous les plaisirs qu'elle procure,
Il s'en faut bien.

*
* *


Pour moi, chez le récidivistes,
Tel entêté
Adore, en véritable artiste,
La liberté.

Il ne commet pas de gros crimes,
Il est trop fin,
Mais de petits délits infimes,
A seule fin

De retrouver le mur austère
De sa prison
Et d'en sortir - le temps d'y faire
Une saison.

Donc, s'il suit sa coupable voie,
La vérité
Est qu'il rénove ainsi sa joie
De liberté.


RAOUL PONCHON
le Journal
6 oct. 1913



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