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IDYLLE

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" A boire ! "
JESUS-CHRIST



MOI

Voici deux coquettes bouteilles
Ce me semble, à peu près pareilles :
L'une est un Saint-Emilion.

LE CHOEUR

Hé ! hé ! un Saint-Emilion !

MOI

Sans doute ! Il vaut un million
Comme un sou, par les saintes treilles !
Mais cet autre par saint-Oignon !
N'est rien moins qu'un vieux Bourguignon.

LE CHOEUR

Oh ! si c'est un vieux Bourguignon.

MOI

L'un et l'autre sont bons, je pense.
Dans notre choix soyons prudents :
Entre les deux mon coeur balance
Comme l'âne de Buridan.
N'allons pas trop vite en besogne :
Je ne suis pas un sale ivrogne
Sans être sobre, c'est connu.

LE CHOEUR

Sans être sobre, c'est connu.

MOI

D'un côté je suis convaincu
Que cette fleur de la Gascogne
Vaut mieux qu'un coup de pied au cul
Ou je ne suis qu'un vain cocu.

LE CHOEUR

Ne serait-il qu'un vain cocu ?


MOI

Mais cet enfant de la Bourgogne
Croyez-vous qu'il soit en carton ?
Avec son long cou de cigogne
C'est tout bêtement un Corton !


LE CHOEUR

Du moment que c'est un Corton !


MOI

Oui, par le soleil qui m'éclaire
Je ne vous dis pas le contraire ;
J'aimerais mieux passer un bail
Avec le bougre que de traire
Toutes les vaches d'un sérail.
Ca me donnerait, je l'espère,
Infiniment moins de travail.

LE CHOEUR

Beaucoup ! beaucoup moins de travail !

MOI

Mais laissons-là ce bavardage
Futile autant que hasardeux
Et sans attendre davantage
Dégustons-les toutes les deux.

LE CHOEUR

C'est ça.



RAOUL PONCHON
le Courrier français
21 nov. 1886