2 oct. 2007

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Le Pape est-il mort,
oui ou non ?
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Ainsi, cet espoir de la bière
Assis sur le tronc de saint Pierre,
Et sur lequel pousse le lierre,

Le Pape tient à ce carcan
Qui le rive à son Vatican
Comme une tripe tient à Caen.

Il ne veut pas mourir encore.
Tant que dans son corps incolore
Il jouira d’un peu de phosphore.

Il a plus de vitalité
Que Mac-Kinley, en vérité.
Que Czolgolsz l’électrocuté.

Depuis longtemps Dieu lui fait signe
Pourtant, de venir en sa Vigne,
Car il en est en tous points digne.

« Viens, lui dit-il, mon Vieux Léon,
Les anges dans mon Panthéon
Te joueront de l’accordéon. »

Et l’entêté vieillard s’obstine,
Préférant la voix argentine
Des chérubins de sa Sixtine.


D’autres aussi le voudraient mort
Sans regret comme sans remord,
Mais l’archi-vieillard n’en démord.

Il est tels de ces corbeaux rouges
Qui, chaque matin, voir s’il bouge,
Viennent plus âpres que des gouges.

Il bouge ! Il vit donc. Oh ! là là !
Dit le monsignor Rampolla,
Il abuse, ce vieillard-là !

C’est Mathusalem, une mule !
Et d’un baiser qui dissimule
Il lui lèche ardemment la mule.

« Va, va, ce sera pour demain,
Dit le pontife en parchemin,
Je suis au bout de mon chemin. »

Ah ! c’est qu’aussi cette tiare
Est une chose plutôt rare.
Avoir cent bras comme Briare.

Les étendre sur l’univers
Et palper, à coffres ouverts
Les argents des dévots pervers !

Embêter les rois tributaires,
Etre en quelque sorte un mystère
Pour les quatre quarts de la terre.


Etre infaillible tout à coup !
C’est de quoi se monter le cou,
C’est beaucoup à la fois, beaucoup.

Mais quoi ! Le pauvre Léon Treize
Ne compte plus sur la cimaise
Depuis longtemps, ne vous déplaise.

Ce vieux pontife évanoui
Fait ses encycliques sous lui.
C’est qu’il n’est pas né d’aujourd’hui…

Il dit la messe en son Horace.
Lit sa prière dans Boccace.
Enfin, il n’en reste plus trace.

Il est mort. Je crois qu’il est mort.
Mais s’il est mort il a grand tort
De s’entêter à vivre encor.


RAOUL PONCHON
le Courrier Français - 3 nov 1901




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