10 oct. 2007

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LES ROIS VOYAGEURS
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1904
Le roi de Grèce est descendu à l’Hôtel Bristol.



O bon roi du pays hellène,
Qui se prévaut de son Hélène,
Laissant là tes royaux pourpris
Et ton beau ciel mythologique,
A l’instar du roi de Belgique,
On ne voit que toi dans Paris !

Luitpold, ça se comprend encore :
Bruxelles à Paris s’incorpore ;
C’est comme qui dirait Passy.
Le temps de fumer un cigare
Dans l’auto qui lui sert de gare
Mobile, et Luitpold est ici.

Mais toi, qui jamais ne te piques
De ces jeux plutôt olympiques,
Tu fais un voyage plus long
Que le récit de Théramène,
Pour chez nous vivre une semaine.
C’est bien beaucoup, par Apollon !


Plus vite que la mort subite,
Tu parais quand Luitpold nous quitte.
O Basileus ! Ne pourrais-tu,
Une fois pour toutes, nous dire
Ce qui dans ce Paris t’attire
Pour en être l’hôte assidu ?

Est-ce clair que l'on y respire ?
Certes, il en est de plus pire.
Est-ce notre brave Loubet ?
Trouves-tu tellement folâtres
Nos miousic-halls et nos théatres ?
Aimes-tu notre galoubet ?...

Est-ce la taille capillaire
De notre sublime Polaire
Qui te chavire ?... ou, si tu viens
Parce que tu nous as ouï dire
Sur tous les tons de notre lyre :
" Les Français... ces Athéniens " ?


Marianne - que Zeus conserve ! -
Te remplace-t-elle Minerve ?
Et Ganderax, Agamemnon ?
Prends-tu Doyen pour Hippocrate ?
Prends-tu moi-même pour Socrate ?
L'Odéon pour le Panthéon ?

Las ! nous n'avons pour Acropole
Que Montmartre et sa butte folle.
En vain, dans le Palais-Bourbon,
Tu chercherais nos Démosthènes ;
Notre côté " Nouvelle Athènes "
C'est la " Boîte à Buffet ", mon bon.

Non vraiment, Sire, le vulgaire -
Dont je suis - ne s'explique guère
Ton séjour chez nous si fréquent,
Et, par ma bouche, il te demande,
Sans nulle aigreur ni réprimande :
" Tu gouvernes tes peuples quand ? "


RAOUL PONCHON
le Journal
24 nov. 1904




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