13 oct. 2007

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Au poète Raoul Ponchon
- prince lointain -
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Oui, Ponchon, ton verbe a raison
Car nous traversons une époque
Mucilagineuse, équivoque,
Où Dieu se trompe de saison,

Nous font du soleil en décembre,
Et quand renaît le joli mai
Nous fabrique un ciel embrûmé
Qui nous verrouille en notre chambre.

L'homme en ce déplorable temps
Incohère jusqu'au délire.
Seul, le brave porteur de lyre
Tient des propos réconfortants.

C'est ainsi que l'autre vesprée
Tu me dédias, ô Ponchon,
Ta Gazette (au vers folichon)
De belle rime diaprée.

Dans cette gazette, Peytral,
*
Fâcheux et turpide ministre,
Quadruple rectum, simple cuistre,
Reçut un coup droit magistral.


Tu lui portas d'un trait de plume
La flauconnade on ne peut mieux.
Suivant le mot des bons aïeux :
Qu'est-ce qu'il a pris pour son rhume !

En tout cas, il ne prendra pas
Nos rimes riches et sans poses,
Maître, comme tu le supposes
En tes strophes pleines d'appas.

Peytral, sans relâche et sans trêve,
Peut lancer impôt sur impôt ;
Mais nous imposer, nous ?... La peau !
Notre fortune n'est qu'un rêve ;

Nos yachts sont sur le fleuve Amour ;
Nos castels en Andalousie,
Et font crever de jalousie
Les pseudo-Rothschilds d'alentour.

Peytral ne saurait, bon apôtre,
Taxer nos cerveaux en chemin,
Pas plus que l'on ne prend Demain
A l'Eternel, comme dit l'autre.

Or donc, rimons opulemment
Avec un orgueil légitime ;
Notre or ne doit pas un centime
Aux gabelous du Parlement.


C'est pourquoi, mon compère,
A partir d'aujourd'hui
Rimons comme un cochon
Pour que Peytral ne puisse
Prélever une dîme
Sur l'or de nos poèmes...


HUGUES DELORME
le Courrier Français
1898


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