31 oct. 2007

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La décoration de Sarah
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A l’heure où j’écris ces lignes, il y a du « tirage » pour la décoration de Sarah.
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Ah ! Les cornichons, les andouilles
Les brutes et les abrutis,
Les badernes, les pédezouilles,
Les ferlampiers et les outils,

Les pantouflards et les emplâtres,
Les tiédeurs les philistins,
Les tafouilleux et les galfâtres ,
Les gâteux, goitreux et crétins,

Les fournaux, les gourdes, les huîtres
Les wagons, les paquets, les pieds,
Les bœufs, les ânes, les bêlitres,
Les tourtes et les burlubiers !

Que ces messieurs, ô ma patrie !
Qui de la légion d’honneur
Sont la grande chancellerie,
On peut même dire la fleur !

On dit : zut ! à cette séquelle
Qui n’a pas décoré Sarah,
Sous le hideux prétexte qu’elle
N’est pas dans le professorat.

Qu’est-ce que cela peut nous foutre
Qu’elle soit ou non professeur ?
Qu’est-ce que cela prouve, en outre,
Professeur ? eh bien, et ta sœur ?

Mais, nom de Dieu ! qu’elle professe
Ou non , la Sarah des Sarah,
Pensez si l’on s’en bat les fesses,
Et je puis dire à tour de bras.


*

Dites-nous sans cérémonie,
Ce qu’elle devrait professer ?
Est-ce qu’on apprend le génie ?
Tenez… vous me faites pisser .

Ah ! Vous vous montrez, je dois dire,
D’une autre composition,
Alors qu’il s’agit d’introduire
En votre rouge légion,

Je ne sais quels sombres primates,
De bizarres négociants,
Marchands de cirage, de dattes…
O chanceliers inconscients !

Vous avez une unique occase
De rafraîchir votre ruban
Rouge, et sans que personne en jase,
Du ban et de l’arrière-ban

De nos cuistres et de nos mufles.
- C’est beau cela pour une fois ! -
Et, plus entêtés que des buffles,
Vous nous refusez cette croix !


*


A l’heure où j’écris ces lignes,
Peut-être êtes-vous moins butés ?…
Vous n’en seriez pas moins indignes,
Pour avoir un temps hésité ;

Tas de volailles, tas de braques,
Et de moules et de loupiats,
De lavements et de chabraques,
De perruques, de galapiats ;

De vieilles gravures, de cruches,
De melons et de patapoufs
De fagots, de sabots, de bûches,
D’olibrius, de Béni-boufs…

De mâchoires et de ganaches,
De mules, de chameaux, de clous,
D’hippopotames et de vaches,
D’Iroquois, de topinambours…

Et coetera



RAOUL PONCHON
Le Courrier Français
26 juillet 1906



* On ne remettra la Légion d'honneur à Sarah Bernhardt qu'en 1914.
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