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Au généreux anonyme qui m’a
Gratifié de quelques bouteilles de
Vin, en réponse à ma gazette
Intitulée : Étrennes utiles.
Qui que tu sois, lecteur unique,
A tout jamais pour moi sacré,
Qui pris la susdite chronique
Pour un appel désespéré ;
Toi qui me donnas pour étrennes
Quelques bouteilles souveraines
D’un vin cent fois cuit et roussi
Par ce vieux soleil hydropique ;
Si j’ose dire - du Tropique,
Qui que tu sois - dis-je - merci !
Certes, par Bacchus tutélaire !
Si tu crus me faire plaisir,
Sache donc que tu m’as su plaire
Bien au-delà de ton désir.
Car, jamais je n’en fis mystère,
Je ne sais que le vin sur terre
Pouvant vraiment, mais là, vraiment,
Embellir l’existence en somme,
Et ravitailler le bonhomme
Qui n’y trouve aucun agrément.
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Ce vin dont tu m’as fait hommage,
Est un vin qui me parait beau.
Le ramage en vaut le plumage.
Pourtant, traite-moi de corbeau,
Si tu veux, ou de dromadaire,
Mais il m’est un peu trop madère ;
Et mon estomac ne conçoit
De vin, que du pays de France,
Qui demeure sans concurrence.
C’est son avis… Quoi qu’il en soit,
Tu penses, n’est-ce pas ? Vieux frère,
Que tes bouteilles je me suis,
Sur l’heure, empressé de les traire
Pour bercer un temps mes ennuis.
Du coup, j’en eus l’âme remise,
Et la Vérité sans chemise
M’apparut dans une clarté ;
Telle est la vertu de la vigne
De vous rendre tout noble et digne,
De tout sublimer en Beauté.
Du coup, j’oubliai tout déboire,
Et je fis des rêves plaisants,
Et je cessai d’être une poire
En proie aux êtres malfaisants.
Je repris, jusque sur ma tête ;
Comme on dit, du poil de la bête.
Je m’égarai loin des cités
Pour battre - oh combien ! la campagne ;
Et tous mes châteaux en Espagne
Devinrent des réalités.
Mais pourquoi, lecteur anonyme,
Ne veux-tu pas dire ton nom ?
Je voulais le mettre à la rime,
Pour qu’on n’en ignore. Mais non.
J’ai pali sur ton écriture
Sans deviner ta signature,
Et j’en fus tout désenchanté.
Si bien que ce vin péremptoire,
En somme, je n’ai pu le boire
Qu’à ton anonyme santé.
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
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