21 oct. 2007

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A Raoul Ponchon
(Membre de la Société protectrice des Végétaux)


En de trop correctes allées
Les roses et les azalées
Aux molles senteurs exhalées


Exaltent les défunts printemps.
Triomphatrices des antans,
Dressant leurs pistils tremblotants,


Leurs corolles non moins tremblantes,
Voici venir parmi les plantes
Les fleurs vivaces ou dolentes.


Oh ! les bonnes, les chères fleurs !
Palettes aux mille couleurs !...
Quelles richesses que les leurs !


Les unes ont des coeurs de flammes,
Et d'autres possèdent les gammes
De l'éternelle chair des femmes,


Femelle blonde ou brun tendron !...
Guignez-moi ce rhododendron,
Il est d'un jaune de chodron ;


Son voisin est de couleurs fauves ;
Ce troisième, avec ses tons mauves,
A de mourants relents d'alcôves.

Puis il y a, puis il y a
L'insupportable dahlia
Dont jadis Hyspa s'égaya.

A ses pieds frémit dans la mousse
Une fleurette frêle et rousse
Qui, timide, dans l'ombre pousse,


Fleur au fin tissu de linon.
Je voudrais bien dure son nom.
Mais le-saurai-je jamais ? Non,

Car j’ai perdu le catalogue.
Ce doit être un vocable rogue
Nom pharmaceutique de drogue


Du bas-latin et du sous-grec
Dont le botaniste au cœur sec
Adore se rincer le bec

Comment voulez-vous par hercule,
Que la pauvre dans l’air circule,
Avec un nom ridicule ,

Ce nom, c’est paraphimosis,
Je crois !… - mais voici les iris,
Et de très bleus myosotis


Moins bleus que les yeux de ma mie ;
Des fleurs de Mésopotamie
Qui luttent contre l’anémie,

Fleurs que Banville compara
A certains plumage d’ara…
Et cætera, et cætera..

Mais quel est le crétin, le cancre,
Qui, plus lamentable qu’un chancre
Créa la rose couleur d’ancre.

Hélas ! On ne peut le nier,
Il se rencontre un jardinier
Pour ce barbarisme dernier !

O paroxysme d’imposture,
Ces messieurs d’horticulture,
Te corrigent, Maman Nature !…
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* ....*


Ponchon, loin de ces gens méchants,
Poète aux bucoliques chants,
Vous récoltez la fleur des champs !

Que les brises vous soient légères !
Parmi les herbes potagères
Culbutez en paix les bergères,

Car vous brillez à ce jeu là !…
- C’est du moins ce que m’affirma
Votre vieil ami Vérola.
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Hugues Delorme
Le Courrier Français
29 août 1898

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