11 oct. 2007

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M Thinard, prince des tailleurs, rêve d'un uniforme pour le Président.
Journaux



O Thinard ! ô péremptoire
Prince des tailleurs de drap !
Ta grande erreur est de croire
Que le premier magistrat

De la nôtre République
Doit décemment se fringuer
D'un costume symbolique
Qui puisse le distinguer

Du misérable Vulgaire.
Tu le vois déjà cousu
Dans un costume de guerre
Avec beaucoup d'or dessus.

Sans doute, ô tailleur fantasque,
Tu rêves aussi pour lui
D'une manière de casque
Et d'un grand sabre ?... Ah ! bien oui !

D'où peut venir ta méprise ?
Crois-en ce que tu voudras :
Notre République est grise,
Même au jour du Mardi-Gras.


C'est dans le neutre et dans le terne
Qu'elle a tout son agrément.
Il faut n'être pas moderne
Pour la comprendre autrement.

Son Président est quelconque,
Quand ce n'est pas vous ou moi...
Il n'intéresse quiconque.
Telle est en France la Loi !


Et son vrai rôle peut-être,
En notre Etat familier,
Est bien moins d'agir en maître,
Que de se faire oublier.

Il a notre signature.
La lui devons résigner.
Car, en nulle conjoncture
Nous ne saurions tous signer.


Et, de même, s'il voyage
Chez les rois... c'est - voyez-vous -
Que nous n'avons l'avantage
De pouvoir y aller tous.

Pour jouer ce rôle unique,
Pas besoin, en vérité,
De porter une tunique,
Non plus qu'un sabre à côté.


Ainsi donc, point de panache,
Serait-il gros comme un fil !
En a t'il un ? Qu'il le cache,
Pour éviter tout péril.

Dès qu'un de nous s'aventure
En habit de général,
On crie à la dictature !
Voire... au Petit Caporal !


Pour sa gaîté personnelle,
S'il veut des galons... mon Dieu,
Sur son gilet de flanelle
Qu'il les porte en temps et en lieu.

Mais, pour nous, qu'il se fagote,
Quand ça n'est pas d'un sifflet,
D'une simple redingote,
Et d'un tube à huit reflets.


S'il arborait d'autres linges,
Nous aurions droit, Dieu merci !
Ni plus ni moins que des singes,
De les arborer aussi.


RAOUL PONCHON
le Journal
12 janv. 1906



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