18 sept. 2007

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Tous ces messieurs… au salon
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……..Victor Hugo ( Châtiments )
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Ces hommes trop chétifs pour être haïssables
Et qui vont s’agitant comme des poux de sables
Quand le flot est parti ;
Ces gens pensant avoir désarmé la colère,
Usé l’ongle et la dent du lion populaire
Et l’avoir abruti ;

Ces êtres qui, s’étant nommés eux-mêmes, disent :
Nous sommes élus ! Bien que les foules élisent
Leurs pires ennemis
(Car il faut habiter la planète Saturne
Pour penser qu’aujourd’hui, quand un nom sort de l’urne,
C’est que l’on l’y a mis),

Tous les mamamouchis de cette mascarade
Ne méritent pas même un an de bastonnade :
Pourquoi battre Rouvier ,
Chose… Machin, Grévy ?.. Q. de Vilain repaire ?
Et Trois-Etoiles ? X…? (Les cinq cents font la paire)
Et Thévenet, ce pied ?

Peuple, pourquoi frapper Sans-Leroy, ce minable,
Et Ferry ? cette horreur, et le plus lamentable,
L’incolore Carnot ?
Non. Tous ces affreux juifs, tous ces marchands de chèques
Tu les dépêcheras où sont les vieux évêques,
Les anciens fourneaux.

Le grand Saucissonnier que nul ne nous envie
Et qui depuis longtemps ne paraît plus en vie
( Tiens ! Le voici… Té vé !… )
Peuple, tu ne vas pas, belluaire farouche,
Le briser sous tes doigts. Pour tuer cette mouche
C’est trop de ce pavé.

Sans doute un souverain comme le shah de Perse
S’y prendrait autrement pour tuer le commerce
De tous ces scélérats,
Mais toi, tu n’as besoin d’aucunes représailles,
Peuple terrible et doux. A ces triples canailles
Simplement tu diras :

« Allez voir n’importe où si le printemps s’avance ;
A mes yeux vous n’avez pas la moindre importance,
Qui êtes-vous ? … Sais pas. »
Mais avant de lâcher ces brutes anormales
Tu feras sagement de visiter leurs malles
Où tu rencontreras,

Depuis que chacun d’eux à tes dépens s’empiffre,
Un tas d’objets divers tous marqués à ton chiffre,
O peuple souverain !
Tous les droits, toutes les libertés violées,
Tous tes couverts d’argent, toutes tes lois volées
Sur leurs tables d’airain ;



Tout ce que tu avais amassé d’espérance ;
Tu leur diras : « Avant de quitter la France,
Votre main ? … faîtes voir…
Non, non… pas celle-ci… montrez-moi la troisième. »
Car les voleurs s’en voient pousser une troisième,
Dès qu’ils sont au pouvoir.




Raoul Ponchon
le Courrier Français
01 janv. 1893
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