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LES DAHOMEENS
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De 1877 à 1912, "Nubiens, Achantis, Hottentots, Somalis, Dahoméens" sont exhibés au Jardin d'acclimatation de Paris * , créé en 1850, pour présenter les espèces animales et végétales issues des différentes parties du monde.
1893 : En pleine guerre du Dahomey (auj. Bénin), Ponchon donne sa touche personnelle à une de ces exhibitions d' Indigènes.
1893 : En pleine guerre du Dahomey (auj. Bénin), Ponchon donne sa touche personnelle à une de ces exhibitions d' Indigènes.
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A Jean Bayol *
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Ils sont là… pour quelle fête ,
Sous quelque dôme central,
Regardés comme des bêtes
Par un peuple électoral !
Qui s’étonne, rit, se moque,
Ethnographe au besoin,
Liche de la bière and smoke
Et bafouille - qu’avec soin !
Leur main lui semble une patte
Propre à se carapater,
Et de leur nez qui s’épate
Il va d’abord s’épater.
Eux, de leurs yeux qui caressent,
Remarquent aussi nos nez,
Mais les bougres ne paraissent
Pas autrement étonnés.
Sous quelque dôme central,
Regardés comme des bêtes
Par un peuple électoral !
Qui s’étonne, rit, se moque,
Ethnographe au besoin,
Liche de la bière and smoke
Et bafouille - qu’avec soin !
Leur main lui semble une patte
Propre à se carapater,
Et de leur nez qui s’épate
Il va d’abord s’épater.
Eux, de leurs yeux qui caressent,
Remarquent aussi nos nez,
Mais les bougres ne paraissent
Pas autrement étonnés.
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Dame, songez que nos linges
Ne leur semblent pas nouveaux,
Et que ces soi-disant singes
Ont déjà connu des veaux ;
Qu’ils ont traversé nos villes,
Jugé nos maisons-prisons,
Nos habitudes civiles
Et nos piètres horizons.
Qu’est-ce nos cités, nos fastes,
En effet, et nos cieux bleus
Auprès de leurs forêts vastes
Et leur soleil fabuleux ,
Mais voilà que votre rire
Eclate comme un obus
En voyant le roi, leur sire
Coiffé d’un chapeau gibus.
Quelle grande différence
Faîtes-vous avec Carnot ?
Notre Behanzin * de France
M’a l’air tout aussi fourneau
Ils sont, selon la coutume
Vêtus d’un pagne discret :
A ce sommaire costume
Qui de nous résisterait ?
Voyez-vous, à la campagne,
Francisque Sarcey fringué
D’un simple et modeste pagne…
Serait-ce pas plutôt gai ?
Et moi-même, pauvre bonze,
Serais beau dans les prix doux ;
Car s’ils nous semblent en bronze,
Nous avons l’air en saindoux.
Leurs femmes, avec ces blagues
(Dites-vous) qui sont leurs seins
Pourraient se donner des schlagues
Jusqu’au bas de leur bassin ?
Belles aux globes d’ivoire,
Je voudrais bien vous y voir…
Il serait piteux de croire
Qu’il faut vouloir pour pouvoir ;
J’en ai vu d’un modelage
Exquis de vos fiers tetons
En corset, au déballage
Tomber jusqu’à vos petons.
Vous les déclarez cupides
Affamés de gros sous… faut-
Il que vous soyez stupides !
C’est votre moindre défaut…
Leur musique vous irrite !
Mais, vous paraissez bien prompts
A dire qu’elle est écrite
Uniquement pour chaudron ;
Votre oreille habituée
Aux atroces pianos,
Que dis-je ? Morte, tuée
Par vos douloureux Gounods.
Ne saurait à coup sûr être
Sensible à sa grande voix ;
Elle est ce qu’elle doit être,
Naïve et sainte à la fois.
Mais laissons cette querelle
Qui pourrait durer six mois,
J’entends quelqu’un qui m’appelle…
Ah … pour finir, dîtes-moi
Quel donc avis est le vôtre ?
Lequel - du Dahoméen
Se donne en spectacle à l’autre
Ou bien de l’Européen ?
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
23 avr. 1893
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