14 sept. 2007

DISTIQUES DE BON CONSEIL

Naître, autant que possible, avec un peu de rente
Soit trente mille francs, d’autres diraient quarante.

Grandir en plein soleil, n’être point trop savant,
Autant, comme dit l’autre, en emporte le vent.

Pour ne point s’ennuyer, apprendre un métier digne
Comme…faire le bien ou pêcher à la ligne.

N’être pas de première force aux dominos,
Se torcher le derrière avecque les journaux.

Ne pas savoir quel est le tyran qui nous mène
Non plus que le bon dieu caporal de semaine.

Finalement pourtant s’en rapporter à lui
Pour la boule de son qu’il nous faut aujourd’hui.

Être sûr que demain débarque, sans mitaines,
Le roi qui doit changer en vin l’eau des fontaines.

Se contenter de trois bouteilles par repas,
Car le sage sait bien que l’on n’en crève pas,

Se griser néanmoins quelquefois, pour mémoire,
Avec un vin qui ne soit pas aléatoire.

Redouter la louange autant comme le blâme ;
Elle vous amollit comme un baiser de femme.

Ne pas se marier : Cela te sert à quoi ?
N’en est-il pas assez qui se marient pour toi ?

Croire seulement la moitié de ce qu’on voit
Le quart de ce qu’on dit, et rien de ce qu’on oit.

Dire blanc aujourd’hui et demain noir ou mauve,
La vérité n’étant qu’une molle guimauve.

Plutôt que de courir aux salons de peinture
Allez voir si j’y suis dans la sainte nature.

Ne jamais demander une audience au Pape,
Se passer de Bazile ainsi que d’Esculape.

Ne point dire du mal, comme ça vous arrive,
Des magistrats, il faut que tout le monde vive.

Enfin sans la chercher, attendre en paix la mort,
Qui devra vous trouver, sans crainte, sans remord,

Sans vous causer non plus autrement de surprises
Que ne fait un prunier où poussent les cerises :

C’est un commencement, n’est-il pas vrai, Seigneur ?
Vers la Sagesse comme aussi vers le Bonheur.



Raoul Ponchon - 1894

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