27 sept. 2007

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Quel est le bon Dieu de la semaine ?
Ce n’est pas de faire pleuvoir,
De toute façon qui le gène.
Faut-il qu’il est un réservoir !

Trois jours sur deux, il pleut, il plouille ;
Ce n’est pas un temps, c’est un bain.
Si ça fait pousser la grenouille,
C’est très mauvais pour le lapin.

Si j’en crois le frère Delorme,
Il paraîtrait que le Printemps
Nous attend quelque part sous l’orme…
Il ne sait pas où, nonobstant.


Hier, je dis à ma compagne :
Le soleil me semble rupin,
Si nous allions à la campagne ?
Surtout laisse là le pépin.

Mets ta robe à trois francs cinquante
Et moi mon paletot mastic.
Prenons, ma petite bacchante,
Toi ton ombrelle et moi mon stick.

Hélas ! Voilà qu’à peine en route
Il pleut à décorner les bœufs.
Elle dégoutte et je dégoutte,
A nous dégoûter tous les deux.

Nous arrivons à Montmorence…
Pas plus de feuilles dans les bois,
D’ailleurs, que sur une potence
Ou sur une jambe de bois.

Et devant la pluie obstinée
Chez un des taverniers du lieu
Nous passâmes notre journée
A nous sécher au coin du feu.



* *

Seigneur votre droite est terrible !
N’avez-vous pas dit dans le temps
Qu’Avril serait inamovible :
L’Hiver ferait place au Printemps !

Voilà qu’il te prend fantaisie
De changer l’ordre des saisons
Et d’exercer ta poésie
En nouvelles combinaisons !…

Je sais que tu vas me répondre :
« Ah ça, poussière de mon pied,
Il te sied bien de me semondre :
Faisons chacun notre métier.

« Que si je veux constamment faire
Pleuvoir, je ferai donc pleuvoir.
Occupe-toi de ton affaire,
Qui consiste à ne rien y voir.

« Tu voudrais du Printemps, des roses ?…
Attends, je vais t’en envoyer.
L’eau rend mossieu des plus moroses ?
Oh ! la la ! je te vas neyer .


« Mais si j’écoutais ta requête
Il te faudrait de l’eau demain.
Je n’avais pas toute ma tête
Lorsque j’ai fait le genre humain…

« Vous me demandez de la pluie
Quand je veux qu’il fasse soleil,
Et vice-versa, ça m’ennuie :
Si mes mondes étaient pareils !… »

Que veux-tu que je te réponde ?…
Il est tout de même odieux
D’emmerdouiller le pauvre monde
Sous prétexte qu’on est bon Dieu.



Raoul Ponchon

le Courrier français
14 avril 1901
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