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A LA CAMPAGNE
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Ne pouvant admettre
Que le Thermomètre
Ait perdu l’esprit
Dans toute la France,
En cette occurrence
Je me suis proscrit.
J’ai, pour la campagne,
Fui Paris, ce bagne,
Mais je crois que j’ai
De même, en ce struggle,
Pour un an aveugle,
Mon borgne changé.
Si dans ces provinces
Fallait que je tinsse,
Je ne tiendrais point ;
Car j’y perds la tête,
Et j’y deviens bête
A manger du foin.
Il y fait à l’ombre
Des degrés sans nombre,
Tout comme à Passy.
Voilà de ma veine ;
C’était bien la peine
De venir ici.
Je voulais, ganache,
Faire un peu ma vache
Et me mettre au vert…
Les champs sont imberbes ;
On trouve plus d’herbes
Dans le grand désert.
Toute la salade
Est morte ou malade,
Ca fait mal à voir ;
La fleur est fanée,
L’eau contaminée
Dans mon abreuvoir.
L’orage menace,
Mais il foutimasse
Et n’aboutit pas.
C’est à n’y pas croire,
Je n’ai rien à boire
Entre mes repas.
Quant aux fruits, tu parles !
Mais, mon vieux roi Charles,
Si tu veux des fruits,
Fais - pour ta campagne -
Les venir d’Espagne
Sous des sauf-conduits… !
Sur les routes blanches,
C’est des avalanches
D’autos et de pneus
Qui vous écrabouillent,
Tant ils sont haineux.
Veux-je, pêcheur digne,
Pëcher à la ligne,
Les poissons locaux,
Ivres de leur vase,
Fuient avec emphase
Mes bons asticots.
Veux-je, plus modeste,
Tâter d’une sieste,
Ainsi qu’à Tunis,
Des amis tartares
Me font, les barbares,
Jouer au tennis.
Ce n’est rien encore :
Comme une pécore
Au cuir nu, pelé,
Dès la matinée
Et l’après-dînée,
Je suis harcelé
Par les taons, les tiques ;
La nuit, les moustiques,
Du crâne à l’orteil,
Me font un mal pire,
Et pour ainsi dire
Rongent mon sommeil.
Telle est ma campagne
Où la mort me gagne
Insensiblement,
Mon corps, pauvre loque,
N’est plus qu’une cloque
Sous le firmament.
R.P
30 07 1900
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