8 sept. 2008

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LE PITHECANTHROPUS
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En 1891, un jeune médecin hollandais, Eugène Dubois * , découvrit à Java les restes d’un hominidé qu’il appela ’’Pithecanthropus’’ . Débats et controverses .... Ponchon est allé enquêter et tire ses conclusions...
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Sans trop surmener mes méninges
J’admets avec Darwin
* fort bien
Que l’homme est descendant du singe,
Et cela ne me gène en rien.


« Oui, déclarait ce vieux mandrille,
Le singe est l’ancêtre aux longs bras ;
Mais il manque dans la famille
Un anneau, c’est là l’embarras.

« Bien avant qu’on portât le linge,
Existait un être bistord
Qui déjà n’était plus le singe
Sans être pourtant l’homme encor.

« Il a disparu sans nul doute ;
Quant à moi, je n’ai jamais pu
Le rencontrer ; mais, somme toute,
C’est comme si je l’avais vu.

« Ma théorie il corrobore ;
Et pour que le vulgum pecus
N’en ignore, je le décore
Du nom de « pithécanthropus ».
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Darwin est mort. Et l’aventure
Donne raison au vieux savant :
On vient de trouver - on assure -
Un pithécanthropus vivant.

Cet anneau manquant, monstre unique
Que nul encore n’observa,
Habite, selon la chronique,
Dans une forêt de Java.

C’est là qu’il renifle et qu’il rôde…
Vous pensez si la faculté
Accepte cette chiquenaude
Donnée à son autorité…

Mais Vanderbilt
*, dont le pécune
Est le principal attribut,
Se dit, du haut de sa fortune :
« Désormais ma vie a son but.



« Dût en rugir la vieille Europe,
Cet être existe, il me le faut ;
Je tiens à ce pithécanthrope,
Quitte à le payer ce qu’il vaut. »

Or, sans plus tarder, il envoie
Certain docteur Olibrius
*
Chercher à Java cette proie,
Lui promettant un fort quibus
* .

De son côté, le roi Guillaume
Fait venir un savant en «us »
Et lui dit : « A toi mon royaume,
Si j’ai ce « pithécanthropus. »

Nos deux explorateurs partirent
Après un suprême adieu vat,
Et tôt après ils aboutirent
A cette forêt de Java

Où devait se tenir le monstre.
Ils l’attaquèrent tout d’abord,
- Comme l’histoire le démontre, -
L’un par le Sud, l’autre par le Nord.

Pendant des semaines atroces,
Ils errèrent sans résultat,
En proie à des bêtes féroces.
Ils allaient lâcher leur mandat,


Quand, un beau matin, face à face,
Ils se rencontrèrent : tableau !
Ils restèrent figés sur place,
Chacun se disant « in petto » :

« Parbleu, si je ne suis pas myope,
J’ai gagné, je crois, le gros lot ;
Voilà bien le pithécanthrope…
M’as-tu fais chercher, mon salaud !…



RAOUL PONCHON

le Journal - 17 sept. 1900

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