20 sept. 2007

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Commune du département de l’Oise,
À 12 kilomètres de Beauvais.
800 habitants.
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J’allais de Beauvais à Pontoise…
Diable ! Il y a plus d’une toise,
Et qu’alliez-vous donc y chercher ?
Me direz-vous. Rien. Qu’on m’envoûte !
Si je n’arpentais cette route
Dans l’unique but de marcher.


C’était au printemps. La nature
Avait mis sa belle vêture
Si chère même aux yeux distraits ;

Le ciel était sans un nuage
Et l’on entendait le ramage
Des petits oiseaux dans l’air frais.


J’allais donc dans ce paysage
Et comme un enfant en bas âge
Me trimballait de-ci, de-là,

Heureux d’être absent de la rue
Loin de toute foule incongrue…
Lorsque sur un poteau voilà

Que je pus lire en toutes lettres :
Ponchon, à quatre kilomètres,
Ou mieux : commune de ponchon.
Je dus déposer là ma lyre,
Prendre mon binocle et relire,
Tant ça me semblait folichon.

Messieurs, je ne dis pas : commune
De Carpentras, de Pampelune,
- remarquez b’en - non plus de Brest,
De Saint-Jean-Pied-de-Port, Amboise…
Pas davantage de Pontoise,
Encore moins de Bucharest…


Je dis bien : de Ponchon, commune
Plus riche en âmes que la Lune,
Et si vous croyez que je mens,
Parlant ainsi en cette enceinte,
Vous pouvez consulter sans crainte
Le Bottin des départements.

A la bonne heure, à la bonne beurre,
Bvoilà que mon pays n’honeure !
D’aucuns auront un boulevard,
Une fontaine, rue ou square,
Ou n’importe quelle autre histoire…
Une ville c’est plus flambard.

Après ça, maintenant je pense
Que c’est pure coïncidence,

Car je n’ai jamais rien fait pour
M hériter une telle gloire,
Si ce n’est rimer après boire
Bec auer avec Singapour.

Enfin !… comme c’est sur ma route
Ce Ponchon… j’y boirai la goutte,

Car je serais un vrai cochon,
Une créature bien vile
Si je laissais passer ma ville
Sans pénétrer dans un bouchon.

Je pris mon pas de demi-vierge
Et bientôt je fus à l’auberge
:
- Hé bonjour, mastroquet divin,
Tu seras le dernier des muffes,
Bon au plus à chercher des truffes
Si tu ne me sers de ton vin.


Le voilà descendre à la cave
Et me rapporter d’un air grave
Je ne sais quel pivois sans nom…

- Ben, - lui dis-je - vieux Béni-bouffe
C’est pas le raisin qui l’étouffe
Celui-là, cré nom de Dieu, non.

- Que saint Estèphe me condamne
Si ça n’est pas du pissat d’âne !
Dis-moi, tu devrais servir ça
Sur… ou du moins dans une table.
Plutôt… de nuit, homme excécrable ;
Qui jamais pareil jus versa ?

- Quoi ! Prendre le nom d’un pauvre homme
Qu’en tant qu’oenophile on renomme,

En doter ton chien de pays,
Et y vendre telle vinasse
Que la plus ignoble conasse
En aurait les boyaux trahis !


- Quand on n’a pas de vin potable
Dans un pays, non, misérable,
On ne l’appelle pas Ponchon.

Je ne veux pas qu’on me confonde,
Avec ton patelin immonde,
Non, mon cochon, non, mon cochon !




Raoul Ponchon

le Courrier Français, 27 janv. 1895
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