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« JAMAIS D’ALCOOL »

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A mon ami Archbold-Aspol 1 lequel me fit cadeau d'un excellent cognac, et apprenant par la suite que ma devise était : "jamais d'alcool" me fit également cadeau d'un vin excellent, pour réparer ses torts..

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Aspol, n’en jette plus où je cesse d’écrire.
Quand je t’ai dit jamais d’alcool c’était pour rire.
Si je n’en buvais pas après chaque repas
C’était vraisemblablement que je n’en avais pas ;
Mais depuis que j’en tiens de ta minificence
J’en bois journellement plus que ma suffisance.
Et d’abord, cher Archbold, mets ça sur ton tableau :
J’aime tout ce qui peut se boire - hormis l’eau -
Et encore, parfois elle me fait envie
Quand je la ressuscite avec ton eau -de-vie.


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Ainsi, tu pris au mot ma devise, o Aspol !
Qui veut dire : jamais d’inférieur alcool ;
Car n’en boire jamais ce serait du délire
Je rêvais donc sur ton cognac - pour ainsi dire -
Quand voici qu’il m’arrive un message divin
De ta part, tout chargé de bouteilles de vin ;
De vin affirmatif, lumineux et limpide
De vin auprès duquel tout me paraît stupide,
Qui mange son écume, et prompt à boire, et rit
Dedans le verre avec infiniment d’esprit.
Il répond au nom de Château-Laverdasse.
Oh ! Rien qu’à son accent j’ai deviné, bagasse !
Qu’il est de la Gascogne ou je me trompe fort.
Quoi qu’il en soit de lui, sois sûr que sans effort
Je vais boire à ta santé, ma vieille branche,
Et mon gosier dira : tiens, tiens, c’est donc dimanche ?
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Oh ! qu’oui ! j’aime le vin et ton flair d’artilleur
A deviné que rien pour moi meilleur
Le vin n’est-il pas bon comme tu l’es toi-même ?
Si, si, le vin est bon comme tu l’es toi-même,
Aspol,qui vas disant à ton ami ponchon :
« Ah ! tu aimes le vin ? tiens en voilà, mon cochon,
D’ailleurs l’a dit Arène en un vers folichon : *
« De toute éternité tu rimas à bouchon. »

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Ah ! le vin !… mais pourquoi faire de la copie
Quand j’en ai là dans la mémoire et combien pie !
Je puis parler du vin pendant des jours entiers,
Mais je préfère laisser parler Desnoyers .2
Il s’en acquittera d’une façon plus belle,
Et puis ça ne m’éreintera pas la cervelle :
« ………………………………………
« Le vin c’est le printemps, c’est le soleil ! Il dore
« Il sème dans le cœur des fleurs qu’on sent éclore.
« Ainsi qu’un nid d’oiseaux qui vient de s’éveiller,
« Tout le bonheur passé se met à gazouiller…
« Comprend-on que le vin mette un homme en colère ?
« A peine a-t-on le temps d’en boire sur la terre.
« Le vin n’est pas méchant quand il est naturel,
« Il est doux au contraire, il est spirituel.
« Ce n’est pas mal placer son argent que de boire.
« Je crois sincèrement au vin. Il faut y croire.
« Ainsiqu’au bon pasteur, on l’aime, il vous convainc…
« C’est ma religion, à moi, je crois au Vin !
……………………………………….......

RAOUL PONCHON

le Courrier français - 13 janv. 1895



1 Gérard-Charles Archbold-Aspol, courtier à Cette (Sète, maintenant).
2 Fernand Desnoyers, poète florissant sous l’Empire troisième.