27 sept. 2007

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Variations sur la vie et les livres
par Jean Moreas
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Les lecteurs de journaux connaissent bien Raoul Ponchon par ses délicieuses autant que copieuses gazettes rimées. Ils les lisent sans doute avec plaisir, au café, en sirotant leur verre, puis ils passent. Cependant, tous les lettrés savent depuis longtemps que Raoul Ponchon est un véritable grand poète.
L’harmonie continue, la variété, le charme aérien, l’expression vive ; l’instinct, le sentiment intime, la manière la plus animée ; la justesse, la solidité, la netteté ; le bon sens dans le feu et dans la véhémence ; le brillant, le piquant sans l’artifice : - la Muse de Ponchon possède tout cela.
Et quel tour dans le badinage ! Chez ce poète dont la hardiesse s’échappe toujours des surprises du faux goût.
Au XVIIè siècle, le conteur Pré Fontaine a crayonné les traits du poète extravagant.
Vêtu d’un pourpoint de satin blanc moucheté, d’un haut de chausse de drap noir, d’une roupille de serge couleur de muse, un chapeau de castor gris et des bas de soie jaunes, le personnage s’attable au cabaret pour boire. Bientôt il tire de sa poche des morceaux de papier gras couverts de madrigaux et de bouts-rimés : vers brouillés et impotents. Puis il allume sa pipe, et des nuages d’une fumée épaisse l’enveloppent comme un dieu.
Il a des propos outrecuidants. Il s’écrie, par exemple :
- Hasardons le paquet, poussons notre mérite, et faisons-nous admirer partout !…
Insouciant et sans entraves, Ponchon n’est ni un extravagant ni un bohème. Sa parole est réservée, sa vie est transparente.
C’est un homme qui peut aller le nez levé, comme on dit. Aussi le fait-il en marchant.




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