27 août 2009

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Le Chariot de Thespis
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D'après certaines légendes grecques, Thespis aurait parcouru les campagnes avec sa troupe sur son char rustique qui lui servait également de scène... De même, le Théatre-Français amené par son administrateur Jules Clarétie * , une des cibles préférée de Ponchon, a traversé la Manche pour une tournée débutant à Londres…


Ils se dirent donc : Allons donc
Faire un petit tour à London ;
Nous y jouerons le répertoire,

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Emportons tous nos accessoires,
Nos costumes, décors, ainsi
Que notre patron Claréci,
Il remplira son sacerdoce
De cinquième roue du carrosse ;
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Emportons notre oncle Sarcey,
Ce conférencier exercé
Qui dira partout notre gloire
En Old England, - osons le croire, -
Car il s’exprime en Old England
Aussi bien comme il fait en franc.
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* ..*


A peine, un pied en Angleterre,
Clarécie, au lieu de se taire,
Prit au même instant le crachoir
Et voici ce qu’il laissa choir :

Salut, ô pays de Shakespeare !
Devant quoi tout génie expire,
Malgré que nous-autres Français
Nous rimions si bien à… succès.

Salut , ô pays de Shakspère !
Au nom de Corneille le père
Et de Hugo le Grand, ex-pair,
Qui fut dans son art tant expert
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Salut, pays de Shakspé-are !
A qui l’on doit le Roi Lear ;
Pour t’être agréable, ô mon fils !
Nous te jouerons du Dumaphis.


Salut, ô pays de Shakspore !
Nous voulons te jouer encore
Othello, Maxbeth et Hamlet
Sur l’air : Ta-ra-ra-boum ça y est.

Salut, ô pays de Shakspure !
De l’art la gloire plus pure
Est de faire unis et amis
Les peuples les plus ennemis.


Salut, ô pays de Shakspieure !
Qui vas applaudir tout à l’heure
Nos Mounet-Sully
*, ces Irvings
Nos Reichenberg
*et nos Hading.

Salut, ô pays de Shakspière !
Au nom de Coquelin-Molière
Dont nous sommes l’humble maison.
Le reste c’est de la poison.

Salut, ô pays de Shakspioure !
Qu’à notre voix chacun accoure ;
Nous jouerons si bien Athalie
*
Que vous croirez voir Ophélie *.


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* ..*

Et sachez, pays de Shakspoir,
Que ça n’est pas avec l’espoir
De gagner de l’or, ô chimère !
Que nous venons en Angleterre.


Nous sommes au contraire ici
Pour en dépenser, Dieu merci !
Je compte vider ma sacoche,
Cadet en sera de sa poche.

RAOUL PONCHON
le Courrier français
25 juin1893
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