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LE SAUROMATUM GUTTATUM
ou
OIGNON DE GEBER
ou
OIGNON DE GEBER
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Cet oignon croit sans eau, sans terre, et n’importe où.
Il donne une fleur d’un demi-mètre, qui pousse en une nuit, etc…
Ce « Sauromatum guttatum »
Peut-être dit, ad libitum *,
Oignon de Geber. O ma lyre !
Ce qui n’est ni meilleur ni pire.
Ah ! le botaniste en délire
Qui, le premier, nous informa
De cet oignon et le nomma
Aurait bien pu doter ce bulbe
De quelque désinence en ulbe,
Ne fût-ce que pour le rimeur,
Réjoui de cette primeur !
Enfin !…
… C’est bien le plus bizarre,
Le plus imprévu, le plus rare
Oignon qui soit dans l’univers,
Depuis les escapés du Déluge !
Si l’on en doute, qu’on en juge.
Je dois vous avertir, devant
Que j’en palabre plus avant,
Que cet oignon bizarre, étrange,
N’est pas de ceux-là que l’on mange.
Il n’en a la piquante odeur,
Ni la rondeur, ni la splendeur.
Il est vague, grisâtre, terne ;
De même son principe interne
Ne saurait vous tirer un pleur…
On le cultive pour sa fleur.
Et donc, voici de quelle sorte
Ce « Sauromatum » se comporte :
Vous le prenez, le poser là,
Sur un meuble, un fauteuil, un plat… »
Où vous voudrez, sans eau, sans terre,
Sans vase non plus, ni cratère…
Et vous ne vous en mêlez plus.
Tous vos soins seraient superflus,
Lui seraient nuisibles peut-être !
Enfin, cet oignon pour… Bicêtre,
Pousse en n’importe quel milieu.
Comment ça ?… C’est affaire à Dieu.
Bientôt, de ses flancs, solitaire
Eclot une fleur de mystère,
Si désireuse d’aboutir
Que vous pouvez la voir grandir,
Avec un peu de patience
- D’aucuns disent : de confiance.
En quelques heures seulement,
Elle atteint près d’un demi-mètre,
Tout ce qu’elle peut se permettre
En plein épanouissement.
Elle n’est, d’ailleurs, du tout belle ;
Vous direz de quelque chandelle
Au sein d’un cornet de papier
Verdâtre. On peut vérifier
Telle est la fleur tant à la mode
Auprès des femmes, cet hiver,
Que chacune sur sa commode
Avait un oignon de Geber !
*
* ..*
Mais vous ne sauriez rien encore
De cette merveille de Flore,
Si je ne vous faisais pas part
De ce que j’ai lu quelque part :
Sachez donc ceci d’incroyable,
Qui certainement tient du Diable :
Si quelque être de trahison,
Un faux ami, dans la maison
Pénètre, un épous infidèle…
Tout aussitôt c’est fini d’elle,
Qui, dans sa vertueuse humeur,
Se fane, s’étiole et meurt !
C’est donc, par conséquent, vous dire
Que cette fleur sensible et pire,
Jusqu’à présent chez l’habitant,
N’a jamais duré qu’un instant.
R.P
le Journal - 02 sept 1907
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