18 sept. 2007

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Boniment pour les Algériens
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Le COURRIER FRANCAIS organisa une vente de charité pour l'Algérie
en proie à des catastrophes naturelles accentuant la pauvreté.
Discours dit par Mlle Camille Stéfani, au concert des Ambassadeurs, le 25 mai 1893
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A mon ami le peintre Dinet *
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Mes bons messieurs, mes belles dames,
C’est bien gentil d’être venus ;
Vous êtes d’excellentes âmes
N, u, nu, connu, c’est connu.

Oh ! Je sais déjà vos visages
Pleins de charitables ardeurs ;
Ils font bien dans ce paysage
Printanier des Ambassadeurs.

Il suffit que l’on vous signale
Une misère à secourir
Pour voir d’une façon royale
Votre main aussitôt s’ouvrir.

On vous a dit que l’Algérie
*
Est pour tout citoyen français
Comme une seconde patrie.
Est-ce vrai ? Seigneur, tu le sais.

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Si donc il est ainsi d’elle,
N’est-ce pas le moment de lui
Prêter notre concours fidèle,
Puisqu’elle se trouve aujourd’hui

Dans la plus noire des misères ?
Un tas de pauvres Arbicos,
De délicieuses moukères
Avec leurs petits moricauds

Que dévore la faim cruelle
Sous un soleil torrentiel,
Vont disputant aux sauterelles
Le pain du sol et l’eau du ciel.

Sans doute vous allez me dire :
- Eh bien !et le gouvernement
Ne peut-il de sa tire-lire
Extraire quelques liards, vraiment,

Pour soulager les pauvres hères ?
Il est frais, le gouvernement !
Vous pensez bien que ces moukères
Le laissent froid absolument.


Simples et naïfs que vous êtes,
Apprenez donc que nos pachas
A qui le sort fait des risettes
Ont à fouetter que d’autres chats !

La République est un peu folle :
A de crasseux juifs de …Memphis
*
Elle portera son obole,
Laissant crever ses propres fils.

Mais pourquoi perdre ma salive ?…
Devant cette imbécillité
Nous prîmes l’initiative
D’une fête de charité.

Votre bon cœur coule de source,
C’est sûr ; mais si l’on veut user
De votre généreuse bourse,
Il faut encor vous amuser.

Il n’est pas jusqu’aux pauvres diables
Qui, venant chanter dans vos cours,
Ne vous rendent en airs minables
Le sou que vous donnez toujours.

Or, je crois que notre programme
Satisfera le plus gourmand.
Il ne comporte que des femmes
Tout d’abord, n’est-ce pas charmant ?



Rien que des femmes. Des divettes
En train de faire leur chemin ;
Pas mal de futures Yvettes,
Quelques Thérésas de demain ;

Et des dames de toutes sortes.
Oh ! Ces dames ! Tais-toi, mon cœur !
De ces danses qui vous emportent
Dans un paradis de langueur.

Des Anglaises, des Espagnoles
Se tortilleront devant vous,
Et des Turques de Batignolles
Vous rendront tous plus au moins fous.

Bref, si nous donnons cette fête
Au profit de l’Algérien,
Il faut, pour qu’elle soit parfaite
Que le diable n’y perde rien.




Raoul Ponchon
le Courrier Français - 28 mai 1893
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