28 avr. 2010

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EXPOSITION D’HORTICULTURE
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O délicieux jardiniers,
Qu’il est heureux que vous veniez
Chaque année, aux mois printaniers

Secouer vos lys et vos roses
Sur nos misérables névroses,
Sur nos ténèbres et nos proses !


Vous nous dites : « Tenez, voilà
Des fleurs qu’aucun art n’égala,
Qu’avez-vous à dire à cela ,


« Laissez là toutes vos ordures,
Vos politiques, vos peintures,
Venez à nos horticultures.


« En vain vous chercheriez ailleurs
Les belles formes et couleurs
Qui se rencontrent dans ces fleurs


« Dont nous avons fait nos esclaves,
Nous les chefs des odeurs suaves,
Regardez comme elles sont braves.


« Ces gloxinias pleins d’orgueil
Ne sont pas pour vous salir l’œil,
Il faut en faire votre deuil.


« Ces iris sont-ils sans répliques
Ou non ? Ces lys hyperboliques,
Angéliques, archangéliques ?


« Ne voilà-t-il pas des pavots
Vastes, magnifiques, nouveaux ?
Des phlox sans pairs et sans défauts.

« Ces rhododendrons, azalées,
Défient toutes langues parlées ;
Et ces pivoines endiablées !


« Ou trouver de plus fabuleux
Que ceux-ci hortensias bleus ?
C’est-il à Ecoute-s’il-pleut ?


« Eh bien, et qu’est-ce que vous dites
De ces exquises clématites ?
Moi je leur crois tous les mérites,


« Sont-elles pas en vérité
Des miracles de pureté,
De grâce et de fragilité ?


« Ces orchis sont des fleurs toquées,
Mais encore que compliquées
N’ont pas besoin d’être expliquées…


« D ‘ailleurs que vous dirai-je, moi ?
Les fleurs, ça n’a rien d’Iroquoi,
Seulement faut avoir la foi.



« Eh bien, c’est à nos grosses pattes
Que vous devez ces délicates
Fleurs. Hein, c’est ça qui vous épate ?


« Oui, c’est avec ces rudes mains
Que pour parfumer vos chemins
Nous maniâmes ces jasmins,


« Que ces roses les avons faîtes
Plus sublimes et plus parfaites
Pour vos femmes et pour vos fêtes ;

« Les avons faîtes à loisir ;
Et selon notre bon plaisir
Et selon notre beau désir

« Nous y versâmes tous délices
Dans leurs voluptueux calices,
Tous parfums et toutes mélisses.



« Et maintenant, mes chers enfants,
Que si vous n’êtes pas contents
Vous repasserez au printemps

Prochain. »



RAOUL PONCHON
le courrier Français
24 mai 1896
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