.
NOEL
.
Or la Vierge Marie
Et Joseph son époux
Sont arrivés chez nous
D’Egypte leur patrie.
Les voilà dans Paris
Combien las et meurtris !
Vont à l’hôtellerie :
Sommes de pauvres gens
Sans logis, sans argent,
Mais, Monsieur, je vous prie,
Logez-nous, par pitié,
Par humaine amitié !
- Hors d’ici, misérables,
Répond cet inhumain,
Couchez sur le chemin,
Allez à tous les diables ;
Ceux qui n’ont pas le sou,
Pour moi sont des filous.
Vont sonner ru’Lafitte
Chez un nommé Rothschild,
Un marchand richissime
Qui, tous les jours profite,
Et qui possède encor
Des tas d’argent en or.
- Accorde-nous de grâce
Un petit logement
Pour la nuit seulement,
Une petite place
N’importe où, dans un coin,
Sur des bottes de foin.
- Chez moi, je le déclare,
Il n’y a pas de coin.
Et pour quant à mon foin,
Dit cet homme barbare,
Il est pour mon besoin ;
Allez crever plus loin.
Vont chez un autre riche
Et ce riche leur dit :
- Que voulez-vous, bandits ?
Les pauvres ? Je m’en fiche !
Un second leur dit : bran,
Et un troisième autant.
Vont à la Présidence
Ou notre roi Zimir
Fait son petit dormir,
Encore qu’il ne danse.
A peine ont-ils sonné
Que l’on leur rit au nez :
- En voilà des artistes !
Vous nous avez tout l’air
D’être des chiens d’enfer
Sinon des anarchistes.
Allons, fichez le camp,
Ou l’on vous fout dedans !
S’en vont à l’Assistance
Qui, comme on le sait bien,
Jamais n’assiste rien.
Lui disent : - Assistance
Veuillez nous assister
Si c’est votre métier.
Leur répond l’Assistance :
- Avez-vous des papiers ?
Non ? Eh bien, pauvres pieds,
Sans papiers ni finance,
Faut aller vous coucher,
Faut en aller chercher.
- Hélas, ma chère femme,
Dit le brave Joseph
En secouant le chef,
On est donc des sans-âmes,
Des sans-cœur aujourd’hui ?
Il faut croire que oui.
S’en vont hors de la ville
Et rencontrent bientôt
Un petit cafouillis,
Une masure vile,
Par un pâtre habité
L’hiver comme l’été.
Cet homme charitable
Dès qu’il les aperçoit
Leur dit : « Je vous reçois,
Entrez dans mon étable.
Nous y logeons tous trois,
Mon bœuf, mon âne et moi.
Mon Dieu, j’ai peu de chose
A vous offrir, hélas !
Que vous paraissez las !
Dites-moi donc la cause.
Mais chaussez-vous d’abord,
Il fait si froid dehors !
La Vierge maternelle
Alors dans ce taudis
Tout à coup resplendit
Du Dieu qui est en elle,
Ainsi fait le cristal
Plein du jus automnal.
Ce fut bien autre chose
Lorsque ce petit dieu
Tout à trac, au milieu
De l’étable, et tout rose,
Vint à s’épanouir
Et se mit à vagir ;
Et que le bœuf et l’âne,
Joseph et le berger
Jusqu’à s’égosiller
A qui mieux mieux hosannent :
Gloire à Dieu dans le ciel,
Noël, Noël, Noël !
Raoul Ponchon
1894
Et Joseph son époux
Sont arrivés chez nous
D’Egypte leur patrie.
Les voilà dans Paris
Combien las et meurtris !
Vont à l’hôtellerie :
Sommes de pauvres gens
Sans logis, sans argent,
Mais, Monsieur, je vous prie,
Logez-nous, par pitié,
Par humaine amitié !
- Hors d’ici, misérables,
Répond cet inhumain,
Couchez sur le chemin,
Allez à tous les diables ;
Ceux qui n’ont pas le sou,
Pour moi sont des filous.
Vont sonner ru’Lafitte
Chez un nommé Rothschild,
Un marchand richissime
Qui, tous les jours profite,
Et qui possède encor
Des tas d’argent en or.
- Accorde-nous de grâce
Un petit logement
Pour la nuit seulement,
Une petite place
N’importe où, dans un coin,
Sur des bottes de foin.
- Chez moi, je le déclare,
Il n’y a pas de coin.
Et pour quant à mon foin,
Dit cet homme barbare,
Il est pour mon besoin ;
Allez crever plus loin.
Vont chez un autre riche
Et ce riche leur dit :
- Que voulez-vous, bandits ?
Les pauvres ? Je m’en fiche !
Un second leur dit : bran,
Et un troisième autant.
Vont à la Présidence
Ou notre roi Zimir
Fait son petit dormir,
Encore qu’il ne danse.
A peine ont-ils sonné
Que l’on leur rit au nez :
- En voilà des artistes !
Vous nous avez tout l’air
D’être des chiens d’enfer
Sinon des anarchistes.
Allons, fichez le camp,
Ou l’on vous fout dedans !
S’en vont à l’Assistance
Qui, comme on le sait bien,
Jamais n’assiste rien.
Lui disent : - Assistance
Veuillez nous assister
Si c’est votre métier.
Leur répond l’Assistance :
- Avez-vous des papiers ?
Non ? Eh bien, pauvres pieds,
Sans papiers ni finance,
Faut aller vous coucher,
Faut en aller chercher.
- Hélas, ma chère femme,
Dit le brave Joseph
En secouant le chef,
On est donc des sans-âmes,
Des sans-cœur aujourd’hui ?
Il faut croire que oui.
S’en vont hors de la ville
Et rencontrent bientôt
Un petit cafouillis,
Une masure vile,
Par un pâtre habité
L’hiver comme l’été.
Cet homme charitable
Dès qu’il les aperçoit
Leur dit : « Je vous reçois,
Entrez dans mon étable.
Nous y logeons tous trois,
Mon bœuf, mon âne et moi.
Mon Dieu, j’ai peu de chose
A vous offrir, hélas !
Que vous paraissez las !
Dites-moi donc la cause.
Mais chaussez-vous d’abord,
Il fait si froid dehors !
La Vierge maternelle
Alors dans ce taudis
Tout à coup resplendit
Du Dieu qui est en elle,
Ainsi fait le cristal
Plein du jus automnal.
Ce fut bien autre chose
Lorsque ce petit dieu
Tout à trac, au milieu
De l’étable, et tout rose,
Vint à s’épanouir
Et se mit à vagir ;
Et que le bœuf et l’âne,
Joseph et le berger
Jusqu’à s’égosiller
A qui mieux mieux hosannent :
Gloire à Dieu dans le ciel,
Noël, Noël, Noël !
Raoul Ponchon
1894
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire