22 sept. 2007

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Le Vers libre
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Verlaine
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Ah ! qui dira les torts de la rime. ( Verlaine )
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Oui, faisons des vers libres,*
N’en fût-il plus au monde.
Sans rime ni mesure,
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Sexe ni orthographe
Et sans ponctuation.
Liberté, libertas,
Comme disait Horace,
En effeuillant des roses
Dans son vin de Cécube.
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Est-on en République
Oui ou non mes amis ?
Cette vieille baderne
De chef des romantiques,
Autrement dit Hugo,
Faisait des vers rimés
A l’instar de Boileau,
Il a bien essayé
De faire des vers libres,
Mais il n’a jamais pu.
Quel cul, mon Dieu quel cul !
En revanche Sarcey
En fait sans s’en douter
Chaque fois qu’il écrit,
Mais il ne le dit pas
N’aimant pas se vanter,
Ils ont cet avantage
Sur ceux de Mallarmé
D’être aussi bien compris
Par sa bonne que par
Le rois des Ecrehous.
* *


De même que les femmes
Sont plus belles cent fois
Sans corset ni chemise
De même un vers sans rime
Est plus appétissant
Qu’un vers qui va rimant
Avecque son voisin.
Et d’abord il y a
Dans la langue française
Certains mots parias
Qui ne riment à rien :
Est-ce donc juste, Auguste ?
Est-on en République ?
Mais je l’ai déjà dit
Quelque lignes plus haut.
Et tenez, par exemple,
Lorsque le roi des Belges
Vient nous rendre visite,
Vous n’êtes pas fichu
De le faire rimer
Avec quoi que ce soit,
Qu’est-ce qu’il doit penser
De la langue française ?
Par contre le Lord Maire,
Seigneur assurément
De bien moindre importance,
Peut rimer à chimère
Du matin jusqu’au soir.


Est-ce donc juste, Auguste ?
Hélas non Babylas.
La rime ! Ah ! La sal’bête !
Elle a du poil aux pattes…
Tiens, mais je m’aperçois
Que mes vers ont six pieds
Régulièrement,
Il faut me pardonner,
Car je n’ai pas encore
Beaucoup d’entraînements,
Ils ont également
Un zeste d’orthographe
Et de ponctuation,
Mais je n’y suis pour rien ;
C’est notre correcteur
Qui ne peut s’en passer.
En revanche, admirez
Cette gazette ci :
Elle n’est pas rimée,
Eh bien ! C’est encore trop :
Mais quoi que qu’il en soit d’elle,
Elle ne m’en ait pas
Moins payée à raison
De cinq dollars le vers.
Sapristi ! Faut-il que
La caisse du Courrier
En ait une santé !




Raoul Ponchon
1895
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