28 sept. 2007

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CANARD A LA ROUENNAISE *
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De tous les pays du monde,
A la ronde,
Je reçois journellement
Je ne sais combien de lettres
D’un tas d’êtres
Qui veulent mon sentiment

Sur tel cas ou tel autre,
Plutôt l’autre.
Je réponds fort peu, ma foi,
N’ayant pas sur toutes choses,
Pour des gloses,
Une opinion sur moi.

Si le sujet m’intéresse
Je m’empresse
De répondre cependant.
C’est faire, outre une copie,
Œuvre pie
Envers mon correspondant.




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* *



Or, en la correspondance
Assez dense
Que je dépouille à l’instant,
J’ouvre une première lettre :
« Mon cher maître…
( Je n’en espérais pas tant )

« Dites-moi sans réticence,
En substance :
Si l’Etat rachète l’Ouest,
Pour qui sera-ce une affaire
Bien prospère ?… »
Diable ! Tonnerre de Brest !

Voilà qui le bec me cloue,
Je l’avoue
Je n’y ai jamais songé.
Au demeurant, je m’en fiche,
Contrefiche.
C’est le seul avis que j’ai.



J’ouvre une deuxième lettre :
« Mon cher maître…
( Moi toujours. ) Ce caneton
Qu’à la rouennaise on nomme,
Est, en somme,
Un mets dangereux, dit-on ?

« Est-ce votre avis ? » - Non, dame
Je réclame.
C’est un bruit que font courir
Les canards, en leurs chicanes,
Et les canes,
Pour qu’on les laisse… mûrir.

Eh quoi ! vous iriez, ô honte !
Tenir compte
De propos insidieux ?
Les Rouennais, qui s’en repaissent,
S’y connaissent.
C’est un mets digne des dieux !




J’en sais un, sans qu’il s'étouffe,
Qui vous bouffe
Un canard, et même deux,
Pourvu qu’un vin grandiose
Les arrose.
Trois canards, c’est hasardeux.

Et quatre, ce serait pire.
Je dois dire
Que je parle, au présent cas,
De ce canard rouennaise
A mon aise,
Car, moi, je ne l’aime pas.





RAOUL PONCHON

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