5 juil. 2009

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SONNET A CHEVREUL
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Quand vous serez bien vieux, avec encor des dents
Plein la bouche, et déjà dorloté par l'Histoire,
Direz, si ces vers-ci meublent votre mémoire,
Un tel me célébrait lorsque j'avais cent ans.
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Lors, vous n'aurez aucun de vos petits-enfants
Qui n'ait soif à ce nom et ne demande à boire,
Répétant à l'envi votre immortelle gloire
Et le nombre fameux de vos jours triomphants.
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Pour moi, je serai mort depuis belle lurette
Mais je refleurirai dans quelque pâquerette
Vous, vous aurez toujours la même horreur du vin.
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Ah! si vous m'en croyez, ô vieillard sobre et digne,
Ainsi que tout le monde éteignez-vous demain
Mais cueillez aujourd'hui les roses de la Vigne.
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RAOUL PONCHON
le Courrier Français
31 août 1886
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Né en 1786, mort en 1889, Chevreul, père de la chimie organique, qui appartint à l'Académie des Sciences dès 1826, vit célébrer, soixante ans après, son centenaire. Le Courrier Français lui consacre un numéro spécial. Tout en se flattant d'aimer la bonne cuisine (la bonne cuisine est une chimie, disait-il), Chevreul confiait aux reporters qu'il ne buvait que de l'eau et devait à son abstention du vin d'être centenaire. "Et moi, cher maître, je prétends - que si vous aviez fait usage - du vin, au lieu d'avoir cent ans - vous en auriez bien d'avantage" lui répondit aussi Ponchon.



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