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les Femmes, n’y a qu’ça !
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O Femmes ! si jamais je poussais la faiblesse
Jusques à cet excès
De vouloir exercer ces droits - que je vous laisse -
De citoyen français,
Je voterais pour vous, femmes délicieuses,
Sources de nos péchés,
Femmes, tout notre ciel, ô femmes gracieuses,
Femmes, fleurs qui marchez.
Je voterais pour vous, n’en doutez pas, les belles,
Encore que chez nous
Les hommes mal appris, à tout bon sens rebelles
Ne veuillent pas de vous.
Ils y viendront. Déjà je vous vois députées
Dans l’avenir prochain ; *
Vous êtes cent fois plus capables et futées
Que Chose ou que Machin. *
Femmes, non seulement vous êtes nos égales,
Mais vous nous dominez,
Comme les cieux altiers dominent les cigales
Qui chantent sous leur nez.
Quoi ! Ne passons-nous pas notre existence entière
Courbés, à vos genoux ?
Et n’entendez-vous pas notre unique prière :
Ayez pitié de nous ?
Nous ne pouvons sans vous, dont notre âme s’enivre
Dire un mot, faire un pas,
Penser à quelque chose, et nous ne saurions vivre
Si vous ne vouliez pas.
Par quelles fausses lois êtes-vous donc encore
A la fois plus et moins
Que les hommes, charmante et naïve pécore,
Et nos simples témoins ?
Vous en savez plus long que tous nos politiques,
Et les plus triomphants,
D’entr’eux auprès de vous, subtiles et logiques
Sont de petits enfants.
Vous avez la sagesse et votre tête est pleine
De sens et de raison,
Nous, nous ne sommes bons qu’à filer de la laine
Et garder la maison.
Quant à moi qui n’ai pas fait de fortes études
Pour mes plus grands malheurs,
Je ne me reconnais de rares aptitudes
Qu’à chiffonner des fleurs.
*
* ..*
Mon Dieu, si nous changions pendant que nous y sommes :
Pour essayer, pour voir ?
Jetez vos cotillons, cessons d’être des hommes,
Prenez notre pouvoir.
Aussi bien notre sexe absurde, abominable,
Commence à nous peser ;
Nous vous l’abandonnons, sexe trois fois aimable
Pour un simple baiser.
Oui, lâchez vos rubans, vos chiffons, vos dentelles,
Passez-nous vos écrins ;
Voici nos pantalons : nous serons des Estelles,
Et vous , les Némorins. *
Vous serez vite au fait de nos manières d’être
Ca n’est pas l’embarras.
- Il est bien plus aisé de devenir le maître,
Que d’être esclave, hélas !
Vous fumerez la pipe et prendrez des absinthes
Et vous débaucherez
D’innocents jouvenceaux que vous rendrez enceintes
Et que vous lâcherez.
D’autres, à tour de bras frapperont les enclumes
Et c’est nous qui tiendrons
Leurs petits magasins de mode, fleurs et plumes,
Nous les durs forgerons ;
Soyez également médecines, soldates ;
Il urge à ces métiers
Pour donner du répit à nos mains délicates
Que vous vous y mettiez.
J’en vois déjà d’ici descendre dans l’arène
Et tuer des taureaux.
D’autres, ayant toujours préféré la migraine,
Aller à leurs bureaux.
Vous irez à la Bourse, au Club, à vos négoces,
Ou bien aux lupanars,
Nous, nous ferons la soupe et moucherons les gosses,
Misérables cornards.
Et je nous vois déjà recevoir des tartouilles
Et des va-donc-t’asseoir,
Quand nous aurons laissé brûler les ratatouilles
Pour le repas du soir.
Eh mais ! n’aimiez-vous pas jadis d’être battues ?
Nous l’aimerions aussi.
Quand vous nous frapperez, femmes de fleur vêtues,
Nous vous dirons : merci !
Lorsque nous serons bus jusques au périoste,
Cognant les parapets,
Vous nous emmènerez tranquillement au poste,
Gardiennes de la paix.
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Et c’est vous qu’on verra, pitoyables minettes,
Chantant votre chanson
Sur quelque Pont-des-Arts et sur vos clarinettes,
D’une aveugle façon ;
Et nous qui nous noierons et poserons nos chiques
Du haut des mêmes ponts,
Abandonnés, hélas ! Par vous, les copurchics
Avecque nos poupons.
RAOUL PONCHON
le Courrier Français
22 sept. 1889
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