22 sept. 2007

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CONTE
pour le jour des Rois
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Il était une fois un roi
Dont la figure était si laide
Que ses peuples en le voyant
Mouraient d’effroi
Que les petits enfants
Criaient à l’aide !
Imaginez-vous qu’il avait
Le nez un peu comme un navet
Et deux yeux dont l’un regardait à Ménilmonte
Si l’autre n’était pas à Levallois-Perret.
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Mais pour bien lui régler son compte
Il faut vous dire que son âme
Également infâme
Au point - petits enfants, remarquez bien cela,
Qu’elle faisait horreur bien avant qu’il fut là.
Or, un jour ce monarque effroyable
Ce prince laid comme le diable
Se faisait friser, barbifier
Par son ordinaire barbier
Et aussi faire des Champouingues
Comme des nègres de Saint-Domingue,
Quand il fut devant son miroir
Pour la première fois étonné de se voir.
Et cette hideur de sa face
Lui parut telle en ce moment
Qu’il pleura misérablement
En criant : grâce, Seigneur, grâce !
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Et tous ses courtisans pleurèrent comme lui.


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Bientôt ce mauvais rêve enfui,
Avec l’affreux miroir qu’il brisa loin de lui
Il reprit sa laide figure
Sa gueule de mauvais augure
Car pendant son attendrissement
Il avait été beau un moment.
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Et tous les courtisans rengainèrent leurs larmes
Et reprirent le port du soldat sous les armes,
Les pleurs devenant superflus
Quand le maître ne pleure plus.


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Cependant un petit bonhomme
Dans un coin pleurait faut voir comme,
Sanglotait à fendre du bois,
On pensait : il ne s’arrêtera que dans un mois.


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Et c’était le bouffon du roi

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Eh bien qu’as-tu ? (dit le monarque)
Espèce de crétin de marque,
Pourquoi pleures-tu plus que moi ?
Et le bouffon lui dit : o roi !
Pour une fois que tu verses trois larmes
En voyant ta laideur qui fait peur aux gendarmes
Devrais-je pas pleurer toujours
O Père des amours !
Pauvre moi qui te vois tous les jours ?


Raoul Ponchon

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