16 déc. 2008

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MARIAGE CHINOIS

Dans un vieux magazine,
N’ai-je pas lu qu’en Chine,
Quand les parents venaient
De mettre un fils en terre,
Péri célibataire,
Qu’aussi bien ils tenaient

Pour sûr que cette vie
D’une autre était suivie,
Leur deuil était cruel
D’autant plus que son ombre
Allait souffrir d-un
Célibat éternel !...
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Alors, ces pauvres brutes,
Sans perdre une minute,
Pour conjurer le sort
Avisaient une morte
Qu’elle eût, en quelque sorte,
A se conjoindre au mort.

Quant à la demoiselle,
Ils répondaient pour elle ;
C’était bien suffisant
En ladite occurrence -
Disons-nous pas en France :
« Qui ne dit mot, consent ? »


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C’est ainsi, tombes closes,
Qu’on arrange les choses
Chez ce peuple sournois.
Ah ! Seigneur de l’Espace !
Faites que je trépasse,
Avant d’être Chinois !
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Oui, plutôt, que je meure,
Dans l'instant, tout à l'heure,
De botulisme aigu
Ou d'oligodypsie,
A votre fantaisie,
Avant mon terme échu !
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Moi qui, toujours sur terre,
Vécus célibataire,
A mon plus grand profit,
Jusqu'ici, je le pense,
Dans une paix intense,
Et qui me satisfit,

Mourir, avec l’idée,
Qu’une fois décédée,
Au monde d’ici-bas,
Ma pauvre âme damnée
Se verrait condamnée
A ne reposer pas !

O chinoise amertume !
Être un mari…posthume !
Je vous demande un peu…
Une femme qui tombe
Tout à trac, dans ma tombe !
S’en dresse mon cheveu

Et comme je suppose
Que dans ce lieu morose
Qu’est la noire Cité,
Il n’est pas de divorce,
Jouir de cette entorse
Pendant l’éternité !!!


RAOUL PONCHON

le Journal - 15 janv. 1912
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